Inédits

Topic 7190172

DH//172Re://T7190 [Baghirat/Centaurex - Tapis] post. 17-11-21 17:53:20

 

© photo Bhagirat Pranah (self) DH//Baghirat

 

 

TAPIS

Tapis

 

Philippe Lord

 

Les nuits chaudes de l’Inde n’ont pas de prise dans le réel. Elles n’ont lieu que dans les fêtes solitaires de l’esprit. Autour d’elles, tu n’entends qu’un vacarme d’épices et d’encens, tu te tiens loin de la misère qui reluit juste à côté de toi.

Entre un serviteur. Venu pour t’appartenir, tu ressens déjà pour lui de la hâte et du désir. Il se penche à tes pieds, nettoie l’invisible à la ronde, de ses larges mains, ossues, consacrées à toi. L’air est humide dehors, les bêtes somnolent, les vieux hommes sont en prière.

Le soir touche au matin. Des lampes résistent aux toits de fortune, feuilles de plastique ayant amassé sous leur verso la transpiration des corps, amalgamés aux viandes d’hier, aux marchandises mortes, invendues. Elles resteront dormantes sur l’étal.

 

- C’est un tapis renommé que vous pouvez utiliser pour vous assurer de bien le comprendre, me dit le serviteur. Si vous êtes à la recherche de quelque chose que vous aimez, venez voir mes commerces à travers leurs fenêtres délabrées. Je me tiendrai visible juste pour vous, dans mon showroom pour être honnête; je vous dirai sous la forme de quel animal empaillé je serai incarné pour que vous puissiez me reconnaître.

 

Un second serviteur entre:

 

- Ne l’écoute pas mon ami, mes tapis à moi te donneront l’Inde que tu préfères. Ils te feront voir l’intérieur du topaze éclairé de feu à l’heure qui descend. Ne l’écoute pas. Viens me rencontrer sur les berges de la source mitoyenne. Je te ferai boire dans ses minéraux le liquide que tu veux, pour lequel tu as traversé tant de rudesse et tant d’épreuves.

 

Il m’invite à pénétrer dans le salon de bois d’ébène et me fait jouer autant d’options surnaturelles en m’enlaçant aux mêmes personnages et en m’obligeant au confort de tous ses sofas. Avant de me plonger dans la chair de ses héros, il me fait voir un aperçu de leurs ténèbres et me donne les clés pour que je parvienne à les ensemencer dans le vif de leurs fluides, dans le noyau de leurs énigmes.

 

Au vu de ceci, qui sent l’arnaque autant que le bois humide sent l’excrément des vaches sous la pluie, j’interroge ce second serviteur - Bhagirat est son nom:

 

- Tu me demandes de les embrasser mais je ne me sens pas prêt à ça. Tu me réjouis mais tu me troubles, et tu te permets de m’exciter à la perfection sans attendre mon ok. Qui est cette admiratrice qui se dissimule dans le bois et que je t’entendais tutoyer tout à l’heure?

 

Il me répond que c’est sa mère.

Ses tapis ont emmailloté les nouveaux-nés de ce mois. Ils avaient la rudesse des coquillages ils ont à présent la générosité des bêtes à fourrures. Jamais vampires en devenir n’ont tant brûlé d’aise.

 

Baghirat se laisse tomber dans mes bras, j'écris dans son dos quelque chose d’assez difficile à traduire, une phrase en sanskrit lui demandant implicitement de remplir son rôle d’amant et de me prêter son épaule pour que je puisse y épancher mon indécision. Il acquiesce avec beaucoup d’empathie.

 

J’ai la vague impression qu’il voudrait que nous fassions l’amour au milieu des mannequins (je sais que ce sont des cadavres en attente d’être brûlés sur les rives de la source mitoyenne mais n’étant pas indisposé par leur image je me laisse conduire près d’eux). L’odeur qui émane de la peau humide et chaude de Bhagirat est plus intense à mon odorat que le travail des corps dans l'humidité. Rien n’est dissolu, le plus ancien d’entre eux date d’il y a trois jours et les enfants ont été emmurés dans les fentes des fondations où le premier serviteur coule une sorte d’épais ciment, de couleur jaunâtre, comme une soupe laiteuse.

 

Il s’arrête parfois pour prier, puis retourne dehors chercher de quoi fabriquer d’autre ciment, pour nous permettre à Baghirat et à moi de nous embrasser pour faire monter en nous le désir. Le nom du premier serviteur est Pranad. Quand il sort de la pièce en bois d’ébène où Baghirat et moi espérons concevoir plus d’amour entre nous qu’il y a de cadavres, une partie de moi-même se détache de mon corps et je peux ainsi le voir comme en plein jour longer le mur latéral qui donne sur l’immensité de l’océan indien.

 

SUITE

 

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© photo Bhagirat Pranah (self) DH//Baghirat

 

 

TAPIS

Tapis

 

Philippe Lord

 

Les nuits chaudes de l’Inde n’ont pas de prise dans le réel. Elles n’ont lieu que dans les fêtes solitaires de l’esprit. Autour d’elles, tu n’entends qu’un vacarme d’épices et d’encens, tu te tiens loin de la misère qui reluit juste à côté de toi.

Entre un serviteur. Venu pour t’appartenir, tu ressens déjà pour lui de la hâte et du désir. Il se penche à tes pieds, nettoie l’invisible à la ronde, de ses larges mains, ossues, consacrées à toi. L’air est humide dehors, les bêtes somnolent, les vieux hommes sont en prière.

Le soir touche au matin. Des lampes résistent aux toits de fortune, feuilles de plastique ayant amassé sous leur verso convexe la transpiration des corps, amalgamés aux viandes d’hier, aux marchandises mortes, invendues. Elles resteront dormantes sur l’étal.

 

- C’est un tapis renommé que vous pouvez utiliser pour vous assurer de bien le comprendre, me dit le serviteur. Si vous êtes à la recherche de quelque chose que vous aimez, venez voir mes commerces à travers leurs fenêtres délabrées. Je me tiendrai visible juste pour vous, dans mon showroom pour être honnête; je vous dirai sous la forme de quel animal empaillé je serai incarné pour que vous puissiez me reconnaître.

 

Un second serviteur entre:

 

- Ne l’écoute pas mon ami, mes tapis à moi te donneront l’Inde que tu préfères. Ils te feront voir l’intérieur du topaze éclairé de feu à l’heure qui descend. Ne l’écoute pas. Viens me rencontrer sur les berges de la source mitoyenne. Je te ferai boire dans ses minéraux le liquide que tu veux, pour lequel tu as traversé tant de rudesse et tant d’épreuves.

 

Il m’invite à pénétrer dans le salon de bois d’ébène et me fait jouer autant d’options surnaturelles en m’enlaçant aux mêmes personnages et en m’obligeant au confort de tous ses sofas. Avant de me plonger dans la chair de ses héros, il me fait voir un aperçu de leurs ténèbres et me donne les clés pour que je parvienne à les ensemencer dans le vif de leurs fluides, dans le noyau de leurs énigmes.

 

Au vu de ceci, qui sent l’arnaque autant que le bois humide sent l’excrément des vaches sous la pluie, j’interroge ce second serviteur - Bhagirat est son nom:

 

- Tu me demandes de les embrasser mais je ne me sens pas prêt à ça. Tu me réjouis mais tu me troubles, et tu te permets de m’exciter à la perfection sans attendre mon ok. Qui est cette admiratrice qui se dissimule dans le bois et que je t’entendais tutoyer tout à l’heure?

 

Il me répond que c’est sa mère.

Ses tapis ont emmailloté les nouveaux-nés de ce mois. Ils avaient la rudesse des coquillages ils ont à présent la générosité des bêtes à fourrures. Jamais vampires en devenir n’ont tant brûlé d’aise.

 

Baghirat se laisse tomber dans mes bras, je lui écris quelque chose d’assez difficile à traduire, une phrase en sanskrit lui demandant implicitement de remplir son rôle d’amant et de me prêter son épaule pour que je puisse y épancher mon indécision. Il acquiesce avec beaucoup d’empathie.

 

J’ai la vague impression qu’il voudrait que nous fassions l’amour au milieu des mannequins (je sais que ce sont des cadavres en attente d’être brûlés sur les rives de la source mitoyenne mais n’étant pas indisposé par leur image je me laisse conduire près d’eux). L’odeur qui émane de la peau humide et chaude de Bhagirat est plus intense à mon odorat que le travail des corps dans l'humidité. Rien n’est dissolu, le plus ancien d’entre eux date d’il y a trois jours et les enfants ont été emmurés dans les fentes des fondations où le premier serviteur coule une sorte d’épais ciment, de couleur jaunâtre, comme une soupe laiteuse.

 

Il s’arrête parfois pour prier, puis retourne dehors chercher de quoi fabriquer d’autre ciment, pour nous permettre à Baghirat et à moi de nous embrasser pour faire monter en nous le désir. Le nom du premier serviteur est Pranad. Quand il sort de la pièce en bois d’ébène où Baghirat et moi espérons concevoir plus d’amour entre nous qu’il y a de cadavres, une partie de moi-même se détache de mon corps et je peux ainsi le voir comme en plein jour longer le mur latéral qui donne sur l’immensité de l’océan indien.

 

SUITE

 

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© photo Bhagirat Pranah (self) DH//Baghirat

 

 

TAPIS

Tapis

 

Philippe Lord

 

Les nuits chaudes de l’Inde n’ont pas de prise dans le réel. Elles n’ont lieu que dans les fêtes solitaires de l’esprit. Autour d’elles, tu n’entends qu’un vacarme d’épices et d’encens, tu te tiens loin de la misère qui reluit juste à côté de toi.

Entre un serviteur. Venu pour t’appartenir, tu ressens déjà pour lui de la hâte et du désir. Il se penche à tes pieds, nettoie l’invisible à la ronde, de ses larges mains, ossues, consacrées à toi. L’air est humide dehors, les bêtes somnolent, les vieux hommes sont en prière.

Le soir touche au matin. Des lampes résistent aux toits de fortune, feuilles de plastique ayant amassé sous leur verso convexe la transpiration des corps, amalgamés aux viandes d’hier, aux marchandises mortes, invendues. Elles resteront dormantes sur l’étal.

 

- C’est un tapis renommé que vous pouvez utiliser pour vous assurer de bien le comprendre, me dit le serviteur. Si vous êtes à la recherche de quelque chose que vous aimez, venez voir mes commerces à travers leurs fenêtres délabrées. Je me tiendrai visible juste pour vous, dans mon showroom pour être honnête; je vous dirai sous la forme de quel animal empaillé je serai incarné pour que vous puissiez me reconnaître.

 

Un second serviteur entre:

 

- Ne l’écoute pas mon ami, mes tapis à moi te donneront l’Inde que tu préfères. Ils te feront voir l’intérieur du topaze éclairé de feu à l’heure qui descend. Ne l’écoute pas. Viens me rencontrer sur les berges de la source mitoyenne. Je te ferai boire dans ses minéraux le liquide que tu veux, pour lequel tu as traversé tant de rudesse et tant d’épreuves.

 

Il m’invite à pénétrer dans le salon de bois d’ébène et me fait jouer autant d’options surnaturelles en m’enlaçant aux mêmes personnages et en m’obligeant au confort de tous ses sofas. Avant de me plonger dans la chair de ses héros, il me fait voir un aperçu de leurs ténèbres et me donne les clés pour que je parvienne à les ensemencer dans le vif de leurs fluides, dans le noyau de leurs énigmes.

 

Au vu de ceci, qui sent l’arnaque autant que le bois humide sent l’excrément des vaches sous la pluie, j’interroge ce second serviteur - Bhagirat est son nom:

 

- Tu me demandes de les embrasser mais je ne me sens pas prêt à ça. Tu me réjouis mais tu me troubles, et tu te permets de m’exciter à la perfection sans attendre mon ok. Qui est cette admiratrice qui se dissimule dans le bois et que je t’entendais tutoyer tout à l’heure?

 

Il me répond que c’est sa mère.

Ses tapis ont emmailloté les nouveaux-nés de ce mois. Ils avaient la rudesse des coquillages ils ont à présent la générosité des bêtes à fourrures. Jamais vampires en devenir n’ont tant brûlé d’aise.

 

Baghirat se laisse tomber dans mes bras, je lui écris quelque chose d’assez difficile à traduire, une phrase en sanskrit lui demandant implicitement de remplir son rôle d’amant et de me prêter son épaule pour que je puisse y épancher mon indécision. Il acquiesce avec beaucoup d’empathie.

 

J’ai la vague impression qu’il voudrait que nous fassions l’amour au milieu des mannequins (je sais que ce sont des cadavres en attente d’être brûlés sur les rives de la source mitoyenne mais n’étant pas indisposé par leur image je me laisse conduire près d’eux). L’odeur qui émane de la peau humide et chaude de Bhagirat est plus intense à mon odorat que le travail des corps dans l'humidité. Rien n’est dissolu, le plus ancien d’entre eux date d’il y a  trois jours et les enfants ont été emmurés dans les fentes des fondations où le premier serviteur coule une sorte d’épais ciment, de couleur jaunâtre, comme une soupe laiteuse.

 

Il s’arrête parfois pour prier, puis retourne dehors chercher de quoi fabriquer d’autre ciment, pour nous permettre à Baghirat et à moi de nous embrasser pour faire monter en nous le désir. Le nom du premier serviteur est Pranad. Quand il sort de la pièce en bois d’ébène où Baghirat et moi espérons concevoir plus d’amour entre nous qu’il y a de cadavres, une partie de moi-même se détache de mon corps et je peux ainsi le voir comme en plein jour longer le mur latéral qui donne sur l’immensité de l’océan indien.

 

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