Inédits

VITESSE

Je m’apprête à naître dans une vie où pour rien au monde je voudrais devenir un arbitre.

Pour commencer, un arbitre doit le plus souvent se vêtir de noir et je ne me vois pas mener une vie de sacerdoce.

Mais surtout : l’arbitre est celui qui doit se tenir à l’écart de la vitesse. Il doit demeurer assis, ou acculé dans un coin de la patinoire, à observer la vitesse des autres.

Je ne resterai pas immobile dans un tour de contrôle à regarder se déplacer des avions. Je serai un avion.

Je ne me tiendrai pas sur le bord d’une piscine à déterminer quel nageur sera le meilleur. Je serai ce nageur.

En bon spermatozoïde qui va bientôt naître, je suis l’enfant de la vitesse. Ne jamais oublier que ma place dans l’existence sera le fruit d’un triomphe, mais ne jamais prendre pour acquis non plus que ce triomphe tiendra lieu d’une finalité pour laquelle tous les temps d’arrêt seront permis.

Je ne m’élancerai pas sur un tremplin pour stopper mon élan une fois rendu dans l’air. Je serai le premier à fendre l’eau.

La vitesse n’est pas quelque chose que je vais acquérir par l’enseignement dans une école. Ce serait déjà contraire à l’essence de la vie de penser que la vitesse est un goût, une notion à acquérir, une note parmi d’autres sur la gamme des hypothèses.

La vitesse n’est pas un plat qui s’offre parmi d’autres dans un buffet.

Face à ce buffet, je ne serai pas celui qui se sacrifiera pour goûter au moins bon des items, les autres mangeront des radis, moi je sauterai sur le meilleur des caviars avant qu’il n’en reste plus.

Qui aura mangé tous les autres avant moi ? Moi, forcément, ne connaissant personne d’autre de plus rapide que moi. Je serai le plus rapide à détecter ce que la vie mettra de meilleur sur mon chemin.

La vie me fera pompier. Plus rapide que les autres, j’arriverai le premier sur les lieu d’un incendie, éteindrai le feu, et tous les autres se seront mobilisés pour rien.

Elle me fera informaticien. Ainsi, des vies à mémoriser les 120,000 premières décimales du nombre Pi seront pulvérisées en quelques millièmes de secondes. Fort de la vitesse avec laquelle j’obtiendrai la perfection jamais atteinte de la circonférence d’un cercle, je fournirai des atomes d’hydrogène de qualité inégalable à quiconque m’en fera la demande avec une rapidité supérieure aux fournisseurs des peuples actuels.

La vie me fera envoyé. J’interviendrai dans les cerveaux plus rapidement que les seringues et les poudres.

Je ne serai pas de ces gens qui applaudiront dans les estrades en s’émerveillant de l’excellence des exécutants, danseurs, acrobates, seigneurs des torches et avaleurs de porte-feuilles. Je ne me répandrai pas en rêves reposants sous prétexte qu’une fois installés sur la terre, nous aurons sept vies à vivre.

Je vivrai les sept en une seule au moyen de mes jambes.

La vie me fera jaguar, supersonique, faucon, pluvier. Mes éclairs ne connaîtront jamais leur tonnerre. Mes clous s’enfonceront et les maisons seront érigées avant que le piéton n’entende le premier fracas de mon marteau.

Je m’élancerai sans échelle pour récupérer de sa lumière le corps éteint de mon étoile pour lui redonner son enfance.

J’écrirai la genèse dans la minute de ses pages et Dieu sait que je ne me reposerai pas le septième jour. Je ne lui ferai pas plaisir, ni à lui ni à Satan.

Je serai Adam, ses fils et leurs enfants. Je doublerai Noé à la nage et je sortirai du Lac Saint-Jean le maillot sec et bruyant d’électricité statique.

Je serai le lever et le coucher du soleil sans retarder leur boule d’une peinture impressionniste ou d’un quelconque romantisme. Mon point de vue sera celui de la terre, de sa course, de son axe et de ses secousses réelles. Ceux qui jouiront de me voir nuit et jour resteront sur place en se demandant comment je puis aller si vite sans me lasser.

Dans l’eau je serai la lame, dans le feu la pointe. En me subissant, les fonds marins et les matériaux en combustion se demanderont  pourquoi moi et pas eux.

Dans la langue, je serai papille, ou pronom, je, et pas on. Ma voix aura un débit si rapide qu’on entendra mieux ma pensée d’une autre galaxie.

Dans les séminaires où l'on s'interrogera sur l'aéronautique et le mur du son, j'aurai toutes les bonnes réponses mais je jugerai superflus de les donner aux autres. Cela prendra trop de temps avant qu'ils ne comprennent et moi je n'aurai pas ce temps à perdre.

J’enjamberai chacune des ténèbres pour donner au chaos un stroboscope qui le fera osciller de son centre à son extrémité, en le ciselant de lui-même et lui conférant des sens. Je le ferai voir et entendre. Je le ferai vaciller étrangement puis se démener comme dans le fond d'une boîte à bois.

Ma vitesse me fera souvent croiser la mort dont je serai capable n’importe quand d’en rire. Les éclats de ce rire voleront sur chaque vie que je happerai dans ma course étant moi-même l'aspect fugitif rebelle et rapide de la mort.

Je ne pense pas que j'aurai une mort lente et souhaitable d'un point de vue paisible et serein. Je serai même si rapide dans l'acte final que les gens ne verront pas mon passage de même qu'ils ne m'auront pas vu arriver.

Qui suis-je, à part un spermatozoïde avide et puissant?

 

Qui serai-je?

 

Un moustique?

 

Un diamant dans la nuit?

 

Je ne serai peut-être que moi-même dans un siècle où l'on valorisera à outrance les records, les performances, et les agressions contre le temps.

 

Julien Ostiguy

© texte et image Julien Ostiguy

VITESSE

Je m’apprête à naître dans une vie où pour rien au monde je voudrais devenir un arbitre.

Pour commencer, un arbitre doit le plus souvent se vêtir de noir et je ne me vois pas mener une vie de sacerdoce.

Mais surtout : l’arbitre est celui qui doit se tenir à l’écart de la vitesse. Il doit demeurer assis, ou acculé dans un coin de la patinoire, à observer la vitesse des autres.

Je ne resterai pas immobile dans un tour de contrôle à regarder se déplacer des avions. Je serai un avion.

Je ne me tiendrai pas sur le bord d’une piscine à déterminer quel nageur sera le meilleur. Je serai ce nageur.

En bon spermatozoïde qui va bientôt naître, je suis l’enfant de la vitesse. Ne jamais oublier que ma place dans l’existence sera le fruit d’un triomphe, mais ne jamais prendre pour acquis non plus que ce triomphe tiendra lieu d’une finalité pour laquelle tous les temps d’arrêt seront permis.

Je ne m’élancerai pas sur un tremplin pour stopper mon élan une fois rendu dans l’air. Je serai le premier à fendre l’eau.

La vitesse n’est pas quelque chose que je vais acquérir par l’enseignement dans une école. Ce serait déjà contraire à l’essence de la vie de penser que la vitesse est un goût, une notion à acquérir, une note parmi d’autres sur la gamme des hypothèses.

La vitesse n’est pas un plat qui s’offre parmi d’autres dans un buffet.

Face à ce buffet, je ne serai pas celui qui se sacrifiera pour goûter au moins bon des items, les autres mangeront des radis, moi je sauterai sur le meilleur des caviars avant qu’il n’en reste plus.

Qui aura mangé tous les autres avant moi ? Moi, forcément, ne connaissant personne d’autre de plus rapide que moi. Je serai le plus rapide à détecter ce que la vie mettra de meilleur sur mon chemin.

La vie me fera pompier. Plus rapide que les autres, j’arriverai le premier sur les lieu d’un incendie, éteindrai le feu, et tous les autres se seront mobilisés pour rien.

Elle me fera informaticien. Ainsi, des vies à mémoriser les 120,000 premières décimales du nombre Pi seront pulvérisées en quelques millièmes de secondes. Fort de la vitesse avec laquelle j’obtiendrai la perfection jamais atteinte de la circonférence d’un cercle, je fournirai des atomes d’hydrogène de qualité inégalable à quiconque m’en fera la demande avec une rapidité supérieure aux fournisseurs des peuples actuels.

La vie me fera envoyé. J’interviendrai dans les cerveaux plus rapidement que les seringues et les poudres.

Je ne serai pas de ces gens qui applaudiront dans les estrades en s’émerveillant de l’excellence des exécutants, danseurs, acrobates, seigneurs des torches et avaleurs de porte-feuilles. Je ne me répandrai pas en rêves reposants sous prétexte qu’une fois installés sur la terre, nous aurons sept vies à vivre.

Je vivrai les sept en une seule au moyen de mes jambes.

La vie me fera jaguar, supersonique, faucon, pluvier. Mes éclairs ne connaîtront jamais leur tonnerre. Mes clous s’enfonceront et les maisons seront érigées avant que le piéton n’entende le premier fracas de mon marteau.

Je m’élancerai sans échelle pour récupérer de sa lumière le corps éteint de mon étoile pour lui redonner son enfance.

J’écrirai la genèse dans la minute de ses pages et Dieu sait que je ne me reposerai pas le septième jour. Je ne lui ferai pas plaisir, ni à lui ni à Satan.

Je serai Adam, ses fils et leurs enfants. Je doublerai Noé à la nage et je sortirai du Lac Saint-Jean le maillot sec et bruyant d’électricité statique.

Je serai le lever et le coucher du soleil sans retarder leur boule d’une peinture impressionniste ou d’un quelconque romantisme. Mon point de vue sera celui de la terre, de sa course, de son axe et de ses secousses réelles. Ceux qui jouiront de me voir nuit et jour resteront sur place en se demandant comment je puis aller si vite sans me lasser.

Dans l’eau je serai la lame, dans le feu la pointe. En me subissant, les fonds marins et les matériaux en combustion se demanderont  pourquoi moi et pas eux.

Dans la langue, je serai papille, ou pronom, je, et pas on. Ma voix aura un débit si rapide qu’on entendra mieux ma pensée d’une autre galaxie.

Dans les séminaires où l'on s'interrogera sur l'aéronautique et le mur du son, j'aurai toutes les bonnes réponses mais je jugerai superflus de les donner aux autres. Cela prendra trop de temps avant qu'ils ne comprennent et moi je n'aurai pas ce temps à perdre.

J’enjamberai chacune des ténèbres pour donner au chaos un stroboscope qui le fera osciller de son centre à son extrémité, en le ciselant de lui-même et lui conférant des sens. Je le ferai voir et entendre. Je le ferai vaciller étrangement puis se démener comme dans le fond d'une boîte à bois.

Ma vitesse me fera souvent croiser la mort dont je serai capable n’importe quand d’en rire. Les éclats de ce rire voleront sur chaque vie que je happerai dans ma course étant moi-même l'aspect fugitif rebelle et rapide de la mort.

Je ne pense pas que j'aurai une mort lente et souhaitable d'un point de vue paisible et serein. Je serai même si rapide dans l'acte final que les gens ne verront pas mon passage de même qu'ils ne m'auront pas vu arriver.

Qui suis-je, à part un spermatozoïde avide et puissant?

 

Qui serai-je?

 

Un moustique?

 

Un diamant dans la nuit?

 

Je ne serai peut-être que moi-même dans un siècle où l'on valorisera à outrance les records, les performances, et les agressions contre le temps.

 

Julien Ostiguy

© texte et image Julien Ostiguy

Inédits

VITESSE

Je m’apprête à naître dans une vie où pour rien au monde je voudrais devenir un arbitre.

Pour commencer, un arbitre doit le plus souvent se vêtir de noir et je ne me vois pas mener une vie de sacerdoce.

Mais surtout : l’arbitre est celui qui doit se tenir à l’écart de la vitesse. Il doit demeurer assis, ou acculé dans un coin de la patinoire, à observer la vitesse des autres.

Je ne resterai pas immobile dans un tour de contrôle à regarder se déplacer des avions. Je serai un avion.

Je ne me tiendrai pas sur le bord d’une piscine à déterminer quel nageur sera le meilleur. Je serai ce nageur.

En bon spermatozoïde qui va bientôt naître, je suis l’enfant de la vitesse. Ne jamais oublier que ma place dans l’existence sera le fruit d’un triomphe, mais ne jamais prendre pour acquis non plus que ce triomphe tiendra lieu d’une finalité pour laquelle tous les temps d’arrêt seront permis.

Je ne m’élancerai pas sur un tremplin pour stopper mon élan une fois rendu dans l’air. Je serai le premier à fendre l’eau.

La vitesse n’est pas quelque chose que je vais acquérir par l’enseignement dans une école. Ce serait déjà contraire à l’essence de la vie de penser que la vitesse est un goût, une notion à acquérir, une note parmi d’autres sur la gamme des hypothèses.

La vitesse n’est pas un plat qui s’offre parmi d’autres dans un buffet.

Face à ce buffet, je ne serai pas celui qui se sacrifiera pour goûter au moins bon des items, les autres mangeront des radis, moi je sauterai sur le meilleur des caviars avant qu’il n’en reste plus.

Qui aura mangé tous les autres avant moi ? Moi, forcément, ne connaissant personne d’autre de plus rapide que moi. Je serai le plus rapide à détecter ce que la vie mettra de meilleur sur mon chemin.

La vie me fera pompier. Plus rapide que les autres, j’arriverai le premier sur les lieu d’un incendie, éteindrai le feu, et tous les autres se seront mobilisés pour rien.

Elle me fera informaticien. Ainsi, des vies à mémoriser les 120,000 premières décimales du nombre Pi seront pulvérisées en quelques millièmes de secondes. Fort de la vitesse avec laquelle j’obtiendrai la perfection jamais atteinte de la circonférence d’un cercle, je fournirai des atomes d’hydrogène de qualité inégalable à quiconque m’en fera la demande avec une rapidité supérieure aux fournisseurs des peuples actuels.

La vie me fera envoyé. J’interviendrai dans les cerveaux plus rapidement que les seringues et les poudres.

Je ne serai pas de ces gens qui applaudiront dans les estrades en s’émerveillant de l’excellence des exécutants, danseurs, acrobates, seigneurs des torches et avaleurs de porte-feuilles. Je ne me répandrai pas en rêves reposants sous prétexte qu’une fois installés sur la terre, nous aurons sept vies à vivre.

Je vivrai les sept en une seule au moyen de mes jambes.

La vie me fera jaguar, supersonique, faucon, pluvier. Mes éclairs ne connaîtront jamais leur tonnerre. Mes clous s’enfonceront et les maisons seront érigées avant que le piéton n’entende le premier fracas de mon marteau.

Je m’élancerai sans échelle pour récupérer de sa lumière le corps éteint de mon étoile pour lui redonner son enfance.

J’écrirai la genèse dans la minute de ses pages et Dieu sait que je ne me reposerai pas le septième jour. Je ne lui ferai pas plaisir, ni à lui ni à Satan.

Je serai Adam, ses fils et leurs enfants. Je doublerai Noé à la nage et je sortirai du Lac Saint-Jean le maillot sec et bruyant d’électricité statique.

Je serai le lever et le coucher du soleil sans retarder leur boule d’une peinture impressionniste ou d’un quelconque romantisme. Mon point de vue sera celui de la terre, de sa course, de son axe et de ses secousses réelles. Ceux qui jouiront de me voir nuit et jour resteront sur place en se demandant comment je puis aller si vite sans me lasser.

Dans l’eau je serai la lame, dans le feu la pointe. En me subissant, les fonds marins et les matériaux en combustion se demanderont  pourquoi moi et pas eux.

Dans la langue, je serai papille, ou pronom, je, et pas on. Ma voix aura un débit si rapide qu’on entendra mieux ma pensée d’une autre galaxie.

Dans les séminaires où l'on s'interrogera sur l'aéronautique et le mur du son, j'aurai toutes les bonnes réponses mais je jugerai superflus de les donner aux autres. Cela prendra trop de temps avant qu'ils ne comprennent et moi je n'aurai pas ce temps à perdre.

J’enjamberai chacune des ténèbres pour donner au chaos un stroboscope qui le fera osciller de son centre à son extrémité, en le ciselant de lui-même et lui conférant des sens. Je le ferai voir et entendre. Je le ferai vaciller étrangement puis se démener comme dans le fond d'une boîte à bois.

Ma vitesse me fera souvent croiser la mort dont je serai capable n’importe quand d’en rire. Les éclats de ce rire voleront sur chaque vie que je happerai dans ma course étant moi-même l'aspect fugitif rebelle et rapide de la mort.

Je ne pense pas que j'aurai une mort lente et souhaitable d'un point de vue paisible et serein. Je serai même si rapide dans l'acte final que les gens ne verront pas mon passage de même qu'ils ne m'auront pas vu arriver.

Qui suis-je, à part un spermatozoïde avide et puissant?

 

Qui serai-je?

 

Un moustique?

 

Un diamant dans la nuit?

 

Je ne serai peut-être que moi-même dans un siècle où l'on valorisera à outrance les records, les performances, et les agressions contre le temps.

 

Julien Ostiguy

© texte et image Julien Ostiguy