"Demain, je joue l’Empereur à Tokyo." C'est un état d'esprit. Comme autrefois la prière avant d'entreprendre l'office, ou un repas, mais c'est aussi le premier exemple qui me vient à l'idée pour réfléchir au paradoxe de la discipline.
L’Empereur, c’est l’arcane du tarot qui instaure les lois. Une sorte de programmateur sans émotion, qui postule, dont ni le medium ni le sujet qui consulte ne remet en question la parole.
C’est aussi, pour nous qui fréquentons la musique, le concerto de Beethoven rempli de gammes et d’arpèges que les pianistes internationaux promènent de par le monde, comme des voyageurs de commerce, ou des acrobates de chapiteaux.
C’est aussi ma façon d’aborder 2 sujets qui me tiennent particulièrement à cœur : le nombre d’heures consacrées à la solitude des exercices techniques avant le plaisir de la performance, et l’absence de dichotomie entre le créateur et l’interprète.
Oui un créateur inspiré, pour l'être vraiment, doit faire comme n’importe quel interprète des exercices de réchauffement, échelonnés dans le temps et l’espace. Après tout, nous interprétons quelque chose quand nous écrivons. Et pour essentielle que soit l’écriture pour les gens qui nous lisent, l’écriture n’en demeure pas moins pour nous un travail au sens de gagne-pain.
Même si je crois tout cela exact, j’ai toujours soupçonné qu’il y avait une part mystérieuse difficilement avouable chez l’artiste qui primait sur l’urgence « égocentrique » de la création. Difficilement avouable parce que pas facile à cerner avec des mots.
Je tente toutefois la question à savoir si la création est possible sans le lecteur divin, c’est-à-dire le supra lecteur qui existe d’ores et déjà au moment même de la gestation d’une œuvre. Ce peut être un lecteur déjà existant, mais je crois qu’au delà d’une personne physique, il existe une âme qui nous rêve pendant que nous livrons la marchandise artistique, quelle qu’elle soit, et que cet « autre » que Rimbaud associe au je, est une sorte de fantôme éternel qui nous accompagne depuis notre naissance jusqu’à notre mort comme on le disait autrefois d’un ange gardien ou d’une intercession entre nos moyens faillibles et nos ambitions les plus absolues.
Ce serait un lecteur omniscient qui interroge incessamment notre vérité de créateur, tout en représentant le tyran inflexible qui consentirait à fléchir devant l’arsenal de séduction que nous déployons pour conquérir son humanité.
Lors d'un atelier récent sur cette question de «l’œil lecteur», question soumise à un tour de table au terme d’une préparation écrite, il est ressorti de nos échanges que ce témoin privilégié existait forcément dans nos zones pudiques, et que si nous devions l’incarner par le biais d’un personnage réel de notre existence, c’était pour mettre un visage approximatif à un rêve de conquête, autrement appelé le désir.
© Photo Marc Parenteau - Montage Digital
"Demain, je joue l’Empereur à Tokyo." C'est un état d'esprit. Comme autrefois la prière avant d'entreprendre l'office, ou un repas, mais c'est aussi le premier exemple qui me vient à l'idée pour réfléchir au paradoxe de la discipline.
L’Empereur, c’est l’arcane du tarot qui instaure les lois. Une sorte de programmateur sans émotion, qui postule, dont ni le medium ni le sujet qui consulte ne remet en question la parole.
C’est aussi, pour nous qui fréquentons la musique, le concerto de Beethoven rempli de gammes et d’arpèges que les pianistes internationaux promènent de par le monde, comme des voyageurs de commerce, ou des acrobates de chapiteaux.
C’est aussi ma façon d’aborder 2 sujets qui me tiennent particulièrement à cœur : le nombre d’heures consacrées à la solitude des exercices techniques avant le plaisir de la performance, et l’absence de dichotomie entre le créateur et l’interprète.
Oui un créateur inspiré, pour l'être vraiment, doit faire comme n’importe quel interprète des exercices de réchauffement, échelonnés dans le temps et l’espace. Après tout, nous interprétons quelque chose quand nous écrivons. Et pour essentielle que soit l’écriture pour les gens qui nous lisent, l’écriture n’en demeure pas moins pour nous un travail au sens de gagne-pain.
Et ceux qui nous lisent croient à raison, et c'est vrai pour le créateur autant que pour l'interprète, que nous pratiquons ce métier par vocation, ce terme englobant le besoin, la passion, même la compulsion.
Même si je crois tout cela exact, j’ai toujours soupçonné qu’il y avait une part mystérieuse difficilement avouable chez l’artiste qui primait sur l’urgence « égocentrique » de la création. Difficilement avouable parce que pas facile à cerner avec des mots.
Je tente toutefois la question à savoir si la création est possible sans le lecteur divin, c’est-à-dire le supra lecteur qui existe d’ores et déjà au moment même de la gestation d’une œuvre. Ce peut être un lecteur déjà existant, mais je crois qu’au delà d’une personne physique, il existe une âme qui nous rêve pendant que nous livrons la marchandise artistique, quelle qu’elle soit, et que cet «autre » que Rimbaud associe au je, est une sorte de fantôme éternel qui nous accompagne depuis notre naissance jusqu’à notre mort comme on le disait autrefois d’un ange gardien ou d’une intercession entre nos moyens faillibles et nos ambitions les plus absolues.
Ce serait un lecteur omniscient qui interroge incessamment notre vérité de créateur, tout en représentant le tyran inflexible qui consentirait à fléchir devant l’arsenal de séduction que nous déployons pour conquérir son humanité.
D’où l’emblème souvent parental de cet œil lecteur. Il comprend tout de notre démarche, il sait lire entre les lignes, démêler nos contradictions, discerner le vrai à travers la mauvaise foi de tous nos mensonges, deviner l’indicible, pardonner la maladresse, voire le plagiat, en un mot c'est le dieu ou la déesse qui nous a élus en élisant notre art pourvu qu’il sache extorquer de notre œuvre des vérités que nous-mêmes ne sommes pas capables de cerner.
Lors d'un atelier récent sur cette question de «l’œil lecteur», question soumise à un tour de table au terme d’une préparation écrite, il est ressorti de nos échanges que ce témoin privilégié existait forcément dans nos zones pudiques, et que si nous devions l’incarner par le biais d’un personnage réel de notre existence, c’était pour mettre un visage approximatif à un rêve de conquête, autrement appelé le désir.
© Photo Marc Parenteau - Montage Digital
"Demain, je joue l’Empereur à Tokyo." C'est un état d'esprit. Comme autrefois la prière avant d'entreprendre l'office, ou un repas, mais c'est aussi le premier exemple qui me vient à l'idée pour réfléchir au paradoxe de la discipline.
L’Empereur, c’est l’arcane du tarot qui instaure les lois. Une sorte de programmateur sans émotion, qui postule, dont ni le medium ni le sujet qui consulte ne remet en question la parole.
C’est aussi, pour nous qui fréquentons la musique, le concerto de Beethoven rempli de gammes et d’arpèges que les pianistes internationaux promènent de par le monde, comme des voyageurs de commerce, ou des acrobates de chapiteaux.
C’est aussi ma façon d’aborder 2 sujets qui me tiennent particulièrement à cœur : le nombre d’heures consacrées à la solitude des exercices techniques avant le plaisir de la performance, et l’absence de dichotomie entre le créateur et l’interprète.
Oui un créateur inspiré, pour l'être vraiment, doit faire comme n’importe quel interprète des exercices de réchauffement, échelonnés dans le temps et l’espace. Après tout, nous interprétons quelque chose quand nous écrivons. Et pour essentielle que soit l’écriture pour les gens qui nous lisent, l’écriture n’en demeure pas moins pour nous un travail au sens de gagne-pain.
Et ceux qui nous lisent croient à raison, et c'est vrai pour le créateur autant que pour l'interprète, que nous pratiquons ce métier par vocation, ce terme englobant le besoin, la passion, même la compulsion.
Même si je crois tout cela exact, j’ai toujours soupçonné qu’il y avait une part mystérieuse difficilement avouable chez l’artiste qui primait sur l’urgence « égocentrique » de la création. Difficilement avouable parce que pas facile à cerner avec des mots.
Je tente toutefois la question à savoir si la création est possible sans le lecteur divin, c’est-à-dire le supra lecteur qui existe d’ores et déjà au moment même de la gestation d’une œuvre. Ce peut être un lecteur déjà existant, mais je crois qu’au delà d’une personne physique, il existe une âme qui nous rêve pendant que nous livrons la marchandise artistique, quelle qu’elle soit, et que cet «autre» que Rimbaud associe au je, est une sorte de fantôme éternel qui nous accompagne depuis notre naissance jusqu’à notre mort comme on le disait autrefois d’un ange gardien ou d’une intercession entre nos moyens faillibles et nos ambitions les plus absolues.
Ce serait un lecteur omniscient qui interroge incessamment notre vérité de créateur, tout en représentant le tyran inflexible qui consentirait à fléchir devant l’arsenal de séduction que nous déployons pour conquérir son humanité.
D’où l’emblème souvent parental de cet œil lecteur. Il comprend tout de notre démarche, il sait lire entre les lignes, démêler nos contradictions, discerner le vrai à travers la mauvaise foi de tous nos mensonges, deviner l’indicible, pardonner la maladresse, voire le plagiat, en un mot c'est le dieu ou la déesse qui nous a élus en élisant notre art pourvu qu’il sache extorquer de notre œuvre des vérités que nous-mêmes ne sommes pas capables de cerner.
Lors d'un atelier récent sur cette question de « l’œil lecteur », question soumise à un tour de table au terme d’une préparation écrite, il est ressorti de nos échanges que ce témoin privilégié existait forcément dans nos zones pudiques, et que si nous devions l’incarner par le biais d’un personnage réel de notre existence, c’était pour mettre un visage approximatif à un rêve de conquête, autrement appelé le désir.
© Photo Marc Parenteau - Montage Digital