Entrevues

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DH//612 Re://T7190 [CapH/Wayn/Tim2/Sebas88/Veuv/DavL/Leo2/Ethan/Heka/Frogm- Printemps] post. 20-05-31 11:04:25

 

© photo DH//Jeff Sherman (Jocelyn Labrie)

PROFESSIONNALISME (ou comment gérer les risques dans le métier de travailleur du sexe auprès des aînés).

 

Jocelyn Keritani

 

Une entrevue de Steven Dufeault

 

STEPHEN DUFEAULT - Il y a deux ans, tu m'as juré que tu ne ferais plus jamais d'entrevue avec moi suite au sondage que je faisais sur les travailleurs du sexe qui profitaient de certaines situations pour ensuite dénoncer leur prétendu agresseur. Je comprends que tu aies mal réagi car mes questions avaient été particulièrement pointues à ton endroit. Je t'avais alors répondu que je me reprendrais pour réparer les allégations contenues dans les résultats du sondage. Mon cher Jocelyn, es-tu en mesure de dire que tu as tourné la page?

 

JOCELYN KERITANI - J'ai mille et un défauts mais je ne suis absolument pas rancunier. Et puis je dois admettre avec le recul qu'il y avait de mon erreur dans ma rencontre avec E.S. [le producteur].

 

S.D. - D'ailleurs tu as gagné aux petites créances pour le remboursement de certains effets personnels qui avaient été endommagés lors de contacts physiques avec lui. Il ne s'est pas présenté en cour, tu as donc gagné par défaut. 1,158 dollars, quand même une somme rondelette?

 

J.K. - Sans rentrer dans les détails, j'ai expliqué au juge que l'audition avait dégénéré en scénario préjudiciable pour certains de mes effets personnels. Entre autres, mon cellulaire.

 

S.D. - Sans "rentrer dans les détails", un cellulaire c'est quand même assez résistant. Surtout de ce prix-là...

 

J.K. - Il était resté une bonne partie de la nuit dans le fond du bain tourbillon.

 

S.D. - Ayoye. Le juge a pas posé plus de questions?

 

J.K. - Non, la cause ayant été réglée par défaut. Mais j'étais disposé à lui répondre. Dans mon métier, on se retrouve souvent dans des situations spéciales mais si légalement je suis lésé ou si j'encours des pertes je suis en droit de me défendre. Il faut pas avoir peur de relater les faits même si auprès des gens straights ça peut leur paraître bizarre. E. S. [le producteur] m'avait forcé à embrasser ses couilles à travers son maillot en lycra, ce dont j'ai essayé d'abréger, sauf que il en a rajouté, m'a fait basculer dans le jacuzzi, m'occasionnant des dommages à mon téléphone et à mon jacquet en cuir.

 

S.D. - Pourtant tu as dit que c'est toi-même qui t'étais mis dans le jacuzzi pendant qu'il était allé se changer dans la salle de bains.

 

J.K. - Oui, au début, après qu'il m'avait dit de me mettre à l'aise. Je me suis installé comme il m'avait demandé dans le bain tourbillon mais sans mes bottes et mon jacquet, nuance. En fait il y a eu deux séances, l'audition en tant que telle s'est déroulée correctement. Après des préliminaires dans le bain, on a continué l'entrevue et là j'avoue que c'était très professionnel, en fait j'ai compris qu'il prenait son pied à regarder mon slip humide et j'avais aucun inconvénient à ça. C'est après que je me sois rhabillé pour retourner chez moi que les choses ont dégénéré. Il voulait pas me laisser partir. Je suis certain qu'il était sur une overdose de substance. Je peux difficilement décrire de la façon qu'il se conduisait, et puis c'est pas à moi de le juger. Mais il s'employait à me retenir avec une force physique impressionnante. J'ai sorti mon cellulaire en lui disant que j'allais appeler le 911, et il me l'a arraché. Tu connais la suite, il l'a garroché dans l'eau du bain, je l'ai poussé pour l'obliger à me le remettre mais ça mal fini.

 

S. D. - Est-ce que c'est la seule fois que tu t'es retrouvé dans une situation aussi dégradante?

 

J.K. - J'aime pas l'adjectif, je parlerais de situation "particulière". La différence est que là c'était imprévu, et imprévisible, je précise. Au départ, peut-être que j'avais un feeling que cette audition pouvait s'orienter vers des rapports sexuels, mais pas dans un climat aussi extrême. L'essentiel, dans mon métier, est de bien connaître les goûts de mes clients. Je suis ouvert à tout. Mais à condition de m'y préparer. Un homme qui adore m'arracher mon linge en le déchirant me le dit à l'avance. Il rajoute à ma paye le prix d'une chemise ou veston, et il en tient qu'à moi de décider de porter du linge que je ne voudrai plus mettre puisqu'il sera détruit, et aussi d'apporter des vêtements de rechange. C'est bon aussi de connaître les goûts de mes clients pour me mettre dans un état d'esprit accueillant è a ses fantasmes.

 

S.D. - Quand je t'écoute parler aussi normalement de situations anormales, j'ai comme l'impression que tu aimes ce genre de scénario, est-ce que je me trompe?

 

J.K. - Je pense qu'un travailleur du sexe réfractaire à réaliser les fantasmes de ses clients ferait un métier bien malheureux. Nuance: quand je dis que j'aime ces situations, c'est parce que j'aime donner du plaisir à mes partenaires. Ils sont assez âgés pour la plupart, bien nantis. On parle d'une moyenne d'âge allant de 60 à 70, quoique j'ai un monsieur que je vais visiter, il a quatre-vingt deux ans et il me demande des choses qui exigent de moi des positions physiques qu'il adore regarder. C'est faux de penser que les gens âgés veulent tous rencontrer des jeunes de 18 ans. C'est certain qu'il y en a, mais ils ne viendront pas sur le réseau. L'underground market coûte assez cher et les travailleurs ici ont souvent dépassé la quarantaine. Nous avons une clientèle de professionnels qui ont conservé des fantasmes qui avaient cours dans leur jeunesse à eux. J'ai débuté en acceptant de me dissimuler tout nu dans un gâteau d'anniversaire et d'en sortir avec mes lunettes (rire). Les invités à ce party étaient tous des hommes à la retraite. Ils étaient très heureux de fêter avec moi au centre, qui connais personne. Aujourd'hui je les connais tous pour la bonne raison que plusieurs sont encore des clients assidus. Quand je reçois un texto d'untel, je sais à quoi m'en tenir, ce que je dois prévoir comme accessoires, etc. Ça engage mon professionnalisme. Recevoir du spaghetti sur mon complet fait partie de mon travail autant que recevoir des bêtises quand tu travailles pour une compagnie d'assurances qui ne veut pas dédommager un sinistré. Dans les deux cas, si tu es mal préparé aux inconvénients de ta profession, t'es aussi bien de changer de métier.

 

S.D. - Mais il doit bien y avoir des jours où t'as pas envie de te faire gunger?

 

J.K. - Évidemment. Je peux décliner. Mais je le fais jamais. À moins d'être malade. Faut bien que je mange.

 

S.D. - Ça t'arrive souvent de te retrouver dans des scénarios messy?

 

J.K. - Ce genre de scénario nous arrive plus souvent que tu penses. En complet veston cravate, c'est un fetish assez répandu dans le monde gay.

 

S.D. - Sérieux? Ça fait quoi comme effet?

 

J.K. - Faut poser cette question-là à ceux qui ont ce fantasme.

 

S.D. Non mais je veux dire toi personnellement, ça te procure quoi comme sensation?

 

J.K. - La première fois tu réalises des sensations de gêne mais le profesionnalisme l'emporte sur notre petit moi.

 

S.D. - Oui, j'imagine. Tu dois pas te sentir aussi, un peu... un peu horny? Comme on dit dans votre milieu, un peu salope?

 

J.K. - Le fait de sentir que mon partenaire est excité par la situation peut m'exciter en retour.

 

S.D. - Non, mais je veux dire... ça doit faire bizarre, non?  On doit se sentir honteux?

 

J.K. - T'as déjà attrapé une grosse pluie non?

 

S.D. - Est-ce que ça rejoint quelque chose d'essentiel dans ton propre rapport au plaisir sexuel de te prostituer aussi copieusement?

 

J.K. - J'admets qu'il y en a pour qui ça peut paraître laborieux. Beaucoup de gens s'imaginent que le sexe c'est meilleur quand c'est pas compliqué. Je les blâme pas d'avoir une vie simple, ils en ont le droit.

 

S.D. - Est-ce que ces scénarios te font sentir comme si tu étais une bête de sexe et rien d'autre?

 

J.K. - Si c'est ce que le client nous demande, on satisfait à la tâche. Si le client veut du sexe vanille, on s'y prête, si c'est sous une forme de perversion qui implique des jeux de rôles, on s'y prête aussi. Notre métier est de servir les désirs du client. S'il veut nous traiter comme de la marchandise, c'est clair dans mon esprit que je ne vais pas lui proposer autre chose. Il ne discute pas le salaire qu'il me donne, je ne discute pas les propositions qu'il attend de moi.

 

 

 

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