Inédits

Je suis un homme de chantier … qui laisse ses chantiers … inachevés.

Je suis déjà en train de capituler: mon dernier scénario, commencé au début de l’été, eh bien voilà: je suis en train de l’abandonner.

J’étais pourtant enthousiaste.

Euphorique.

J’ai tout relu dimanche et hier. Plus j’avançais plus je me sentais dans le syndrome du sac vert: premières pages, début sur les chapeaux de roue, passé l’intro, mes impressions sur la Chine prennent l’eau, le bateau devient radeau prend l’eau se sabote s’enfonce et se déboîte dans un maelström de déchets se dissèque avant d’arriver au milieu de ses reflets carboniques, ordure sans peau, salmonelle, détritus, perte, écoulements, liquides mais arides, partout où ça s’en va ça s’en va nulle part.

 

Toutes les conditions étaient réunies pour me faire avaler le ratage. Tu inaugures un chantier en début de saison, sois sûr que dans mon cas, au début de la saison suivante, le chantier sera devenu trop gros, trop multidisciplinaire, trop ramifié sur mes pages autant que sur mes élucubrations disséminées un peu n’importe où sur DH, G411, twitter, (je n’ai pas mon pareil pour m’assassiner en 140 caractères) et ça aussi c’est raté, je devrais m’en féliciter: j’excelle dans tous mes ratages!

 

Une petite substance a fait le reste hier soir.

J’aurais dû avaler une double quantité je me serais effondré et j’aurais dormi.

Au lieu, j’ai laissé chaque parcelle de ma fierté s’anesthésier et chaque neurone de ma libido s’éveiller dans le parc des jouets défendus.

Il pleuvait.

Je venais d’activer mon profil sur le chat, en 10 minutes une douzaine de beaux gars, de beaux corps nus devrais-je dire, m’ont fait signe. Plus tôt dans la journée d’autres aussi m’avaient envoyés des messages dépourvus d’ambiguïtés. Faut dire que je m’étais laissé aller à une présentation dépourvue de finesse.

Aussi bien dire que je m’étais crossé moi-même en me faisant croire que pour me faire oublier l’échec du chantier  j’allais jouer à la roulette russe avec des formes biomorphiques fermes et arrondies précédées de la sonnerie retentissante de la messagerie me procurant le même effet d’attirance que le chant des sirènes préalable aux plongeons des marins d’Ulysse.

 

Le plus indécent de son équipage aurait mieux résisté que moi à l’appel.

 

Il habitait à 900 m selon le GPS, confirmé par son adresse reçue par texto.

 

Rien n’est plus éloigné de l’ambition naturelle d’un homme que d’assister à son propre naufrage dicté par son envie de se satisfaire dans le cul.

 

Il tombait une pluie chaude, une pluie de Métropolis.

 

En me rendant chez lui à pieds, tout mouillé, j’avais juste en tête de me trouver sur le trottoir de la rue de la Commune nu comme un ver. J’aurais voulu qu’on me voie, qu’on me dise à travers un haut-parleur que je vaux moins qu’un sac vert que de succomber comme ça à une déroute exhibitionniste faisant de moi un être qui a tout perdu, son travail, ses revenus, sa fierté, sa réputation.

 

J’avais oublié son nom, je ne me souvenais pas non plus s’il m’avait dit son âge et ce qu’il attendait d’un inconnu. Il avait vaguement fait allusion à l’expression «rencontre du troisième type» et me prenant pour ce dernier, j’avais l’idée de plus en plus obsédante que nous allions être trois à nous interpénétrer comme des lombrics dans l’engrais d’un terreau.

 

Sur le chat, ses selfies sans visage le montraient devant son miroir de salle de bain la main gauche dans son jean ouvert, son cellulaire dans sa main droite.

Moins pire que ce à quoi je m’attendais quand il m’a ouvert sa porte.

 

-Salut

-Salut

-ok moi c’est ok

-ok

 

Il aurait eu 60 ans, obèse, puant, j’aurais dit ok pareil.

 

Même pas honteux de dégoutter dans son portique. Réflexe inutile en l’occurrence d’ôter mes chaussures pour pas mouiller son plancher. On voyait la forme de mes orteils dans mes bas détrempés.

 

Je me sentais comme je m’étais jamais senti avant, face à lui sans face, ni beau, ni laid, ni repoussant ni invitant, un mec que j’aurais pu confondre avec une dizaine d’autres dans un centre d’achats, et que je  serais même pas foutu de reconnaître une heure après l’avoir topé. Je me voyais comme un sexe, sans personnalité, sans envie de connaître l’autre, sans aucun désir de son corps, j’étais venu pour m’enfoncer au propre comme au figuré dans la marde du suivant pour pas assumer la mienne.

 

Il m’a rappelé ce matin. Pas surpris. Mais honteux. Juste un peu plus écœuré de moi-même que je l’étais pendant et après un travail d’équipe que j’aurais eu plus de plaisir à faire tout seul devant la cam. Il est déjà rendu en avant de moi dans une relation qu’il a passé le reste de la nuit à investir, une relation dont je sais pour ma part qu’elle n’aura pas lieu. J’ai essayé de le lui dire simplement, avec des mots plates de toute façon même si je choisissais les moins pires, mais comment on choisit les mots les moins pires quand on sait d’avance que dès que je me remettrai sur le chat ses messages resteront sans réponse comme des scénarios commencés dans l’effervescence et se défaisant sur des silences ressemblant à des ordures sans peau, salmonelle, détritus, perte, écoulements, improductifs, ruisselants, partout où je vais je vais nulle part.

 

Suite (Entrevue)

 

Topic 7190111

DH//111Re://T719[Centaurex - GHB] post. 17-00-05 18:37:32

 

 

© photo Philippe Lord

Je suis un homme de chantier … qui laisse ses chantiers … inachevés.

Je suis déjà en train de capituler: mon dernier scénario, commencé au début de l’été, eh bien voilà: je suis en train de l’abandonner.

J’étais pourtant enthousiaste.

Euphorique.

J’ai tout relu dimanche et hier. Plus j’avançais plus je me sentais dans le syndrome du sac vert: premières pages, début sur les chapeaux de roue, passé l’intro, mes impressions sur la Chine prennent l’eau, le bateau devient radeau prend l’eau se sabote s’enfonce et se déboîte dans un maelström de déchets se dissèque avant d’arriver au milieu de ses reflets carboniques, ordure sans peau, salmonelle, détritus, perte, écoulements, liquides mais arides, partout où ça s’en va ça s’en va nulle part.

 

Toutes les conditions étaient réunies pour me faire avaler le ratage. Tu inaugures un chantier en début de saison, sois sûr que dans mon cas, au début de la saison suivante, le chantier sera devenu trop gros, trop multidisciplinaire, trop ramifié sur mes pages autant que sur mes élucubrations disséminées un peu n’importe où sur DH, G411, twitter, (je n’ai pas mon pareil pour m’assassiner en 140 caractères) et ça aussi c’est raté, je devrais m’en féliciter: j’excelle dans tous mes ratages!

 

Une petite substance a fait le reste hier soir.

J’aurais dû avaler une double quantité je me serais effondré et j’aurais dormi.

Au lieu, j’ai laissé chaque parcelle de ma fierté s’anesthésier et chaque neurone de ma libido s’éveiller dans le parc des jouets défendus.

Il pleuvait.

Je venais d’activer mon profil sur le chat, en 10 minutes une douzaine de beaux gars, de beaux corps nus devrais-je dire, m’ont fait signe. Plus tôt dans la journée d’autres aussi m’avaient envoyés des messages dépourvus d’ambiguïtés. Faut dire que je m’étais laissé aller à une présentation dépourvue de finesse.

Aussi bien dire que je m’étais crossé moi-même en me faisant croire que pour me faire oublier l’échec du chantier  j’allais jouer à la roulette russe avec des formes biomorphiques fermes et arrondies précédées de la sonnerie retentissante de la messagerie me procurant le même effet d’attirance que le chant des sirènes préalable aux plongeons des marins d’Ulysse.

 

Le plus indécent de son équipage aurait mieux résisté que moi à l’appel.

 

Il habitait à 900 m selon le GPS, confirmé par son adresse reçue par texto.

 

Rien n’est plus éloigné de l’ambition naturelle d’un homme que d’assister à son propre naufrage dicté par son envie de se satisfaire dans le cul.

 

Il tombait une pluie chaude, une pluie de Métropolis.

 

En me rendant chez lui à pieds, tout mouillé, j’avais juste en tête de me trouver sur le trottoir de la rue de la Commune nu comme un ver. J’aurais voulu qu’on me voie, qu’on me dise à travers un haut-parleur que je vaux moins qu’un sac vert que de succomber comme ça à une déroute exhibitionniste faisant de moi un être qui a tout perdu, son travail, ses revenus, sa fierté, sa réputation.

 

J’avais oublié son nom, je ne me souvenais pas non plus s’il m’avait dit son âge et ce qu’il attendait d’un inconnu. Il avait vaguement fait allusion à l’expression «rencontre du troisième type» et me prenant pour ce dernier, j’avais l’idée de plus en plus obsédante que nous allions être trois à nous interpénétrer comme des lombrics dans l’engrais d’un terreau.

 

Sur le chat, ses selfies sans visage le montraient devant son miroir de salle de bain la main gauche dans son jean ouvert, son cellulaire dans sa main droite.

Moins pire que ce à quoi je m’attendais quand il m’a ouvert sa porte.

 

-Salut

-Salut

-ok moi c’est ok

-ok

 

Il aurait eu 60 ans, obèse, puant, j’aurais dit ok pareil.

 

Même pas honteux de dégoutter dans son portique. Réflexe inutile en l’occurrence d’ôter mes chaussures pour pas mouiller son plancher. On voyait la forme de mes orteils dans mes bas détrempés.

 

Je me sentais comme je m’étais jamais senti avant, face à lui sans face, ni beau, ni laid, ni repoussant ni invitant, un mec que j’aurais pu confondre avec une dizaine d’autres dans un centre d’achats, et que je  serais même pas foutu de reconnaître une heure après l’avoir topé. Je me voyais comme un sexe, sans personnalité, sans envie de connaître l’autre, sans aucun désir de son corps, j’étais venu pour m’enfoncer au propre comme au figuré dans la marde du suivant pour pas assumer la mienne.

 

Il m’a rappelé ce matin. Pas surpris. Mais honteux. Juste un peu plus écœuré de moi-même que je l’étais pendant et après un travail d’équipe que j’aurais eu plus de plaisir à faire tout seul devant la cam. Il est déjà rendu en avant de moi dans une relation qu’il a passé le reste de la nuit à investir, une relation dont je sais pour ma part qu’elle n’aura pas lieu. J’ai essayé de le lui dire simplement, avec des mots plates de toute façon même si je choisissais les moins pires, mais comment on choisit les mots les moins pires quand on sait d’avance que dès que je me remettrai sur le chat ses messages resteront sans réponse comme des scénarios commencés dans l’effervescence et se défaisant sur des silences ressemblant à des ordures sans peau, salmonelle, détritus, perte, écoulements, improductifs, ruisselants, partout où je vais je vais nulle part.

 

Suite (Entrevue)

 

Topic 7190111

DH//111Re://T719[Centaurex - GHB] post. 17-00-05 18:37:32

 

 

© photo Philippe Lord

Inédits

Je suis un homme de chantier … qui laisse ses chantiers … inachevés.

Je suis déjà en train de capituler: mon dernier scénario, commencé au début de l’été, eh bien voilà: je suis en train de l’abandonner.

J’étais pourtant enthousiaste.

Euphorique.

J’ai tout relu dimanche et hier. Plus j’avançais plus je me sentais dans le syndrome du sac vert: premières pages, début sur les chapeaux de roue, passé l’intro, mes impressions sur la Chine prennent l’eau, le bateau devient radeau prend l’eau se sabote s’enfonce et se déboîte dans un maelström de déchets se dissèque avant d’arriver au milieu de ses reflets carboniques, ordure sans peau, salmonelle, détritus, perte, écoulements, liquides mais arides, partout où ça s’en va ça s’en va nulle part.

 

Toutes les conditions étaient réunies pour me faire avaler le ratage. Tu inaugures un chantier en début de saison, sois sûr que dans mon cas, au début de la saison suivante, le chantier sera devenu trop gros, trop multidisciplinaire, trop ramifié sur mes pages autant que sur mes élucubrations disséminées un peu n’importe où sur DH, G411, twitter, (je n’ai pas mon pareil pour m’assassiner en 140 caractères) et ça aussi c’est raté, je devrais m’en féliciter: j’excelle dans tous mes ratages!

 

Une petite substance a fait le reste hier soir.

J’aurais dû avaler une double quantité je me serais effondré et j’aurais dormi.

Au lieu, j’ai laissé chaque parcelle de ma fierté s’anesthésier et chaque neurone de ma libido s’éveiller dans le parc des jouets défendus.

Il pleuvait.

Je venais d’activer mon profil sur le chat, en 10 minutes une douzaine de beaux gars, de beaux corps nus devrais-je dire, m’ont fait signe. Plus tôt dans la journée d’autres aussi m’avaient envoyés des messages dépourvus d’ambiguïtés. Faut dire que je m’étais laissé aller à une présentation dépourvue de finesse.

Aussi bien dire que je m’étais crossé moi-même en me faisant croire que pour me faire oublier l’échec du chantier  j’allais jouer à la roulette russe avec des formes biomorphiques fermes et arrondies précédées de la sonnerie retentissante de la messagerie me procurant le même effet d’attirance que le chant des sirènes préalable aux plongeons des marins d’Ulysse.

 

Le plus indécent de son équipage aurait mieux résisté que moi à l’appel.

 

Il habitait à 900 m selon le GPS, confirmé par son adresse reçue par texto.

 

Rien n’est plus éloigné de l’ambition naturelle d’un homme que d’assister à son propre naufrage dicté par son envie de se satisfaire dans le cul.

 

Il tombait une pluie chaude, une pluie de Métropolis.

 

En me rendant chez lui à pieds, tout mouillé, j’avais juste en tête de me trouver sur le trottoir de la rue de la Commune nu comme un ver. J’aurais voulu qu’on me voie, qu’on me dise à travers un haut-parleur que je vaux moins qu’un sac vert que de succomber comme ça à une déroute exhibitionniste faisant de moi un être qui a tout perdu, son travail, ses revenus, sa fierté, sa réputation.

 

J’avais oublié son nom, je ne me souvenais pas non plus s’il m’avait dit son âge et ce qu’il attendait d’un inconnu. Il avait vaguement fait allusion à l’expression «rencontre du troisième type» et me prenant pour ce dernier, j’avais l’idée de plus en plus obsédante que nous allions être trois à nous interpénétrer comme des lombrics dans l’engrais d’un terreau.

 

Sur le chat, ses selfies sans visage le montraient devant son miroir de salle de bain la main gauche dans son jean ouvert, son cellulaire dans sa main droite.

Moins pire que ce à quoi je m’attendais quand il m’a ouvert sa porte.

 

-Salut

-Salut

-ok moi c’est ok

-ok

 

Il aurait eu 60 ans, obèse, puant, j’aurais dit ok pareil.

 

Même pas honteux de dégoutter dans son portique. Réflexe inutile en l’occurrence d’ôter mes chaussures pour pas mouiller son plancher. On voyait la forme de mes orteils dans mes bas détrempés.

 

Je me sentais comme je m’étais jamais senti avant, face à lui sans face, ni beau, ni laid, ni repoussant ni invitant, un mec que j’aurais pu confondre avec une dizaine d’autres dans un centre d’achats, et que je  serais même pas foutu de reconnaître une heure après l’avoir topé. Je me voyais comme un sexe, sans personnalité, sans envie de connaître l’autre, sans aucun désir de son corps, j’étais venu pour m’enfoncer au propre comme au figuré dans la marde du suivant pour pas assumer la mienne.

 

Il m’a rappelé ce matin. Pas surpris. Mais honteux. Juste un peu plus écœuré de moi-même que je l’étais pendant et après un travail d’équipe que j’aurais eu plus de plaisir à faire tout seul devant la cam. Il est déjà rendu en avant de moi dans une relation qu’il a passé le reste de la nuit à investir, une relation dont je sais pour ma part qu’elle n’aura pas lieu. J’ai essayé de le lui dire simplement, avec des mots plates de toute façon même si je choisissais les moins pires, mais comment on choisit les mots les moins pires quand on sait d’avance que dès que je me remettrai sur le chat ses messages resteront sans réponse comme des scénarios commencés dans l’effervescence et se défaisant sur des silences ressemblant à des ordures sans peau, salmonelle, détritus, perte, écoulements, improductifs, ruisselants, partout où je vais je vais nulle part.

 

 

Suite (Entrevue)

Topic 7190111

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© photo Philippe Lord