Topic 7190753 DÉDOUBLEMENT

DH//753Re://T7190[Soav - Dédoublement] post. 21-06-08 06:58:22

© photo DH - Montage Digital

 

 

 

ÉTIENNE VÉRONNEAU

 

 

 J'aurai bientôt 50 ans et cette pensée me mine.

 Je vis les étapes du deuil: l'apitoiement, la colère, le déni, le marchandage.

 Je pars m'acheter une caméra numérique Olympus.

 Je prends des photos de moi, une cinquantaine à la fois, puis je les télécharge en faisant l'inventaire minutieux de ce qui ne va pas.

 J'ai la peau blême et les tempes grises.

 Je pars m'acheter de la teinture à cheveux.

 Je m'abonne à des séances de bronzage.

 Je vois les résultats. J'ajuste.

 Reste le corps. Je n'ai pas de fesses mais je m'en fiche. Par contre je n'ai pas de muscles et il m'en faut.

 Je m'achète des poids, des haltères, une barre à étirements.

 En six mois toute la partie arrière de ma maison sera devenue un gym sophistiqué.

 Dès la fin avril, je nage tous les matins dans l'eau glacée de ma piscine.

 Matin, piscine, exercices au sol, appareils, régime Docteur Weiber - protéines, boissons énergétiques.

 Après-midi, bronzage, exercices.

 Le soir, photos.

 Ô prodige: je commence à voir du changement.

 Je redouble d'espoir et d'énergie.

 Je découvre Photoshop.

 Chaque partie de mon corps est analysée.

 Les séances de photos durent des heures.

 Je ne les interromps que pour faire de l'exercice.

 Découragement.

 Je commence à trouver que je fais tout ça pour rien.

 Je consulte pour me faire dire que mon corps n'emmagasine pas les graisses, et qu'en conséquence, il me faudra des efforts plus considérables qu'à la moyenne pour développer une masse musculaire.

 Qu'à cela ne tienne.

 Mes muscles travaillent mais j'ai des douleurs à l’abdomen et aux bras qui me déconcentrent.

 Devant la caméra, je suis si préoccupé que l'expression de mon visage n'est jamais souriante, jamais détendue. Je ne sais pas où regarder.

 Ce que font les acteurs avant le clic: ils se défigurent par des expressions extrêmement crispées, puis ils respirent calmement en relâchent les muscles du faciès, cela fait les meilleures photos.

 Des heures. Sans résultat. Je pense abandonner.

 

29 mai 2004.

 Lors d'une séance routinière dans ma grande salle de bains, je reste une heure dans la même position à cliquer sans me soucier du résultat.

 Je ne pense à rien. Immobile. Clic, clic, je clique 100 fois de suite.

 Le soir, j'observe la centaine de photos, et une, soudain, me jette par terre. Puis une autre.

 Sans attendre, je me mets online sur le Gay4Love et je télécharge cette nouvelle photo en remplacement de l'ancienne.

 Vingt ans de différence.

 Je détruis mon profil pour faire enfin celui dont je rêve depuis un certain temps à condition d'avoir la photo du mec idéal pour l'incarner: Humanblues.

 L'adéquation entre le regard, la désinvolture, le nom de profil est d'une justesse qui achève de me rendre follement amoureux de ce nouveau visage.

 Je m'endors avec lui.

 

Dimanche le 30 mai.

 Je n'ai pas rêvé. Humanblues est né. Il se nomme Étienne Véronneau, le nom du personnage de Tybalt dans mon adaptation de Roméo et Juliette. Il n'a pas d'âge encore, pas de texte à son profil, et ça urge.

 Atomic lui envoie plusieurs messages d'affilée.

 Je m'en fiche un peu, j'essaie d'authentifier Étienne.

 Nouvelles photos, nouveaux résultats.

 Gym, piscine, photo.

 Atomic le harcèle. Je le bloque.

 

 Le lendemain, lundi 31 mai, je me rends à l'évidence: je ne l'aurai pas facile avec Humanblues. Il est dix fois plus beau que moi, il a déjà son fan club, et je n'ose pas penser que je pourrais faire des rencontres à sa place. Il y a un monde entre nos deux physiques, nos deux personnalités, nos deux physionomies.

 Je débloque Atomic. Il se nomme Danny, il a 36 ans et ne lâche pas Étienne d'une semelle.

 

 Ils ne se rencontreront que le samedi 2 juillet.

 Entretemps, Étienne choisit de rencontrer Goodlatino.

 En lui ouvrant la porte, je vois, à sa réaction, que Goodlatino est déçu de la différence entre Étienne et sa photo de profil.

 Pendant tout le mois de juin, Danny (Atomic) et Étienne (Humanblues) se draguent virtuellement. Étienne jouit d'un bonheur sans nuage.

 

 Je travaille à incorporer Étienne. Je dois le métaboliser. Je dois penser en tant qu'Étienne. C'est la seule façon de le surprendre dans mon miroir comme je l'ai surpris dans la série de photos.

 Tout le mois de juin y passe. Piscine, bronzage, exercices, photos.

 

 Le 2 juillet en après-midi, Étienne se sent suffisamment d'aplomb pour prendre Danny au mot: "Je serais partant pour ce soir."

 Danny arrive, Étienne et moi restons stupéfaits. Danny est dix fois plus beau que sur ses photos. Dix fois plus sexy, dix fois plus brillant que ses chatt remplis de fautes et d'émoticons.

 Étienne capitule dans les 10 premières minutes et je prends le relais. Danny pour sa part est subjugué par le luxe dont Étienne s'entoure. On descend à la piscine. On remonte.

 Pendant les quelques heures torrides qui vont suivre, Étienne retrouve tous ses moyens, toute sa personnalité, sa fougue, sa fameuse désinvolture. Danny se montre très intéressé par le travail d'Étienne. Danny a toujours rêvé de faire du cinéma. Étienne lui promet qu'il va l'emmener sur un plateau de tournage. Étienne est le scénariste d'un film qu'on va produire bientôt. Étienne va souvent en Europe. Étienne a déjà le projet d'amener Danny avec lui à Paris. Étienne a déjà en tête l'image de l'auto qu'il rêve de conduire pour emmener Danny dans les Cantons de l'est. Étienne a déjà une idée très précise du moment où, sur le plateau de tournage de Roméo et Juliette, le réalisateur, qui est son grand ami et complice, va dire au micro: "Étienne Véronneau est demandé sur le plateau."

 

 Danny et Étienne vont passer la soirée à échanger leurs fantasmes. Ils vont se bagarrer sur le bord de la piscine et s'y jeter avec leurs jeans. Étienne va faire un shooting de Danny sous la douche et les deux vont passer le reste de la nuit devant Photoshop à l'ordi.

 

 Le lendemain, Danny édite les photos prises par Étienne sur son profil.

HUMANBLUES: Wouaw !!! super tes nouvelles photos !

ATOMIC: MDR, merci pour hier !

HUMANBLUES: T'aurais envie qu'on remette ça ce soir?

ATOMIC: Non ce soir j'ai un souper mais je t'ai trouvé charmant! Bonne journée.

 

Charmant...

 

 Dans l'après-midi, long meeting avec Étienne. Je lui reproche sa séance de photos. Sur un des clichés, c'est moi qu'on reconnaît, j'ai l'air d'un vieux schnok à poil. Étienne ne semble pas réaliser qu'il a peut-être tout foutu en l'air. Je lance un de mes avatars sur le site. Atomic y passe sa  sa soirée entière avec ses nouvelles photos. Etienne est effondré. Il veut lancer Humanblues. Je l’en empêche.

 Je n'ai qu'un credo: quand les choses vont mal avec le mec, on fait le mort et on joue l'indifférence.

 Étienne n'est pas du tout de cet avis. Il vient d'essuyer un échec et prône le courage et la transparence.

 Lui et moi allons négocier toute la semaine. Mais pas d'entente possible. Avant de nous séparer pour le week-end, Étienne va écrire une lettre d'amour à Danny. Ce dernier va lui répondre en des termes fuyants, mais Étienne y lira une intention positive.

 

 Je laisse Étienne à Montréal et je pars à la campagne chez mon amie pour fêter mes cinquante ans.

 

 Je rentre le dimanche soir; avant que je défasse ma valise, Étienne est déjà à l'ordi. Danny est en ligne. À partir de ce moment, tous les messages de Humanblues à Atomic demeureront sans réponse.

 

 Nous sommes dévastés. Doublement. Jamais je n'aurais cru voir Étienne à ce point démoli.

 

 

*

 

 Commença un été difficile. Avec mon ex au rez-de-chaussée, c'était le désastre. Étienne m'avait promis de remédier à cette cohabitation invivable mais pour lui éviter de s’enfoncer dans la déprime, je lui assurai de ma compréhension et c'est moi qui dus voler à son secours.

 Gym, piscine, soleil, photos. Il n'allait pas se laisser aller.

 Tous les matins il se levait la mort dans l'âme. Il allait sur le site de rencontres pour n'y trouver que des messages sans intérêt. Quand l'icône d'Atomic s'allumait sur sa liste de contact, tout son être frémissait et une excitation à la fois sexuelle et amoureuse le faisait bondir, mais il s'écroulait de nouveau en voyant l'icône s'éteindre et sa boîte sans message.

 Je le secouais, je l'engueulais, je lui disais que tout n'était pas perdu et je le mis au défi de se faire un six packs et de rencontrer des mecs jusqu'à ce que sa blessure se referme.

 Gym, piscine, soleil, photo.

 Jamais je n'avais vu un être si beau perdre son charme au fur et à mesure qu'il s'en créait pour exister.

 Il me faisait pitié et je souffrais de le voir souffrir tout en essayant de sonder en moi quel amour était le plus meurtri, car j'avais personnellement, moi aussi, une insoutenable attirance pour Atomic.

 Étienne semblait persuadé qu'une seule photo de lui, plus magistrale que celles qu'il avait déjà, pourrait subjuguer Danny et le lui ramener.

 Gym, piscine, soleil, photo.

 Et puis des mecs.

 

 Un n'attendait pas l'autre.

 Je les repérais au matin, et je leur donnais rendez-vous, puis je maquillais Étienne, je repassais de la teinture dans ses cheveux, je lui massais le visage et je l'habillais comme Kent à Barbie.

 Aucun des mecs rencontrés ne le satisfaisait.

 Pourtant il avait des fantasmes beaucoup plus impérieux et urgents à réaliser que les miens. Moi j'étais capable de les vivre dans ma tête et de me retrouver avec un baiseur sans que rien n'y paraisse. Mais lui avait un besoin récurrent de se battre, de préférence sur le bord de la piscine, et de préférence tout habillé. Le fait de se retrouver à l'eau avec ses fringues le transportait dans une jouissance de toutes les humiliations et de tous les héroïsmes à la fois.

 Le samedi 23 juillet, je lui organisai une fête d'autant plus prometteuse qu'il faisait un soleil de plomb et que j'avais les deux étages de la maison à moi tout seul. J'avais réuni pas mal de mecs pour simuler une énorme bataille. Tous avaient reçu des consignes. Mes voisins étaient avisés. Plus l'heure du méga rendez-vous approchait, moins j'avais envie de ce happening. Étienne pour sa part relançait les mecs sur le site, mais à quatre heures de l'après-midi, nous en avions conclu qu'il ne viendrait personne. C'est alors que Pier frappa à la porte de la ruelle. J'ouvris.

 - Étienne ?

 Je le fis entrer dans la cour.

 Pier s'assit à l'ombre et me dévisagea avec des yeux à la fois troublés et incrédules.

 Je crus que l'heure d'Étienne était arrivée et j'allais quasiment m'excuser de ne pas ressembler à Humanblues. Il me devança en me disant que j'étais encore plus beau que sur ma photo.

 Je lui offris une bière.

  Étienne revint la lui porter. Puis ils montèrent sans s'être jetés à l'eau, se déshabillèrent et baisèrent comme deux êtres normaux. Après, ils eurent un vague projet d'aller voir les feux d'artifices à la Ronde, mais Étienne n'avait pas envie de passer autant de temps avec Pier qui, pour sa part, se comportait déjà comme un amant. Ils se quittèrent à l'amiable et je découvris un côté généreux à Étienne. Il se sentait désolé de n'avoir pu donner à Pier tout ce qu'il aurait été capable de donner à Danny.

 En me remerciant, il me fit comprendre que ce n'était pas la peine de lui tenir un agenda sentimental. Le mal était fait, il était amoureux et allait se consacrer à son projet de reconquérir Danny.

 Gym, piscine, soleil, photo.

 Pier lui avait redonné juste ce qu'il lui fallait d'estime.

 

 

*

 

 

 

 Un samedi matin du mois d'août, Atomic annonça sur sa page qu'il avait enfin rencontré le grand amour et qu'il allait effacer son profil. Ce qu'il fit sous nos yeux. On n'arrivait pas à le croire.

 On réactualisa la page. Un message d'erreur 404 apparut en cliquant sur son icône. Un trou béant.

 Étienne réalisa que depuis dix semaines il n'avait vécu que pour un leurre et il s'effondra sur le divan à côté de l'ordi. Il pleura tout l'après-midi. Il avait pris ma calculatrice, estimé qu'à raison de seize heures par jour, il avait accumulé deux mille cent quatre-vingt-douze heures de gym, de piscine, et de photoshop pour s'assurer d'une existence à lui, et que cette existence, pour quelques heures de plaisir, lui valait une peine d'amour plus cuisante que toutes celles que j'avais pu vivre  dans ma propre vie. Il disait qu'il ne voulait pas devenir comme moi, un diviseur d'harmonie et un magicien de la pensée amoureuse, qu'il cherchait un remède à la  mélancolie de son corps, qu'il se sentait devenir aussi mosaïcal que moi à force de se faire des avatars pour essayer de se comprendre à travers les autres, à travers un dieu qui l'avait élu et qui l'avait laissé tomber. Je pleurai longtemps avec lui.

 Je lui rappelai ses origines, sa culture, un talent musical décuplé par rapport au mien, je lui rappelai comment tout jeune il savait jouer du Prokofiev, comment il lui suffirait de se consacrer au piano comme à l'éducation physique pour redevenir le virtuose qu'il était, et que par-dessus son sens inouï de la culture, de l'esthétique et de l'émerveillement il avait reçu la désinvolture et la beauté d'une star internationale, il me répondit que ça ne lui redonnerait pas Atomic.

 Je lui rappelai que je pouvais tout pour lui, que pas une somme d'argent ne serait assez élevée pour l'amener à un point supérieur de lui-même, ce à quoi il me répondit le visage inondé de larmes: "Tu ne te rends pas compte à quel point tu es ridicule avec tes conceptions du mâle invincible pour qui tout le monde craque. Tu as cinquante ans et tu ne sais même pas conduire une auto."

 Une auto !!!

 Que les paroles cessent et que les gestes parlent !

 

 

*

 

La semaine suivante, une magnifique Japonaise avec une carrosserie noire aux reflets bleutés, et d'énormes phares avant, stupéfiants comme les yeux étirés à l'infini d'un samouraï, faisait son apparition devant notre maison.

 Il rêvait de pouvoir faire comme Fullride qui arrivait chez son date en continuant de lui parler au téléphone. Je lui achetai un cellulaire.

 Je le traînai de force chez Ogilvy et chez Holt Renfrew. Des chaussettes à cent dollars la paire pour porter avec des jeans troués, des sous-vêtements de bambou, des chemises ayant l'air d'être mouillées en permanence sur ses pectoraux, je développai pour lui une patience que je n'aurais jamais pensé d'avoir dans les boutiques, chez les lunettiers, chez les coiffeurs, chez les tailleurs.

 Il reprenait goût aux rencontres d’un soir. En fait, il  revoyait ses recrues, question de redonner du plaisir à des hommes qui lui disaient leurs secrets. Les contenter en faisant abstraction de ses propres fantaisies ouvrait dans son corps de vrais aqueducs.  Son sang, en circulant, incendiait le moindre de ses muscles. Un soir, il discuta des heures durant de la Bourse en suçant les boutons de manchettes de son interlocuteur. Il défaisait des lacets avec ses dents tout en tenant un discours articulé sur mille et un sujets, sans se déconcentrer de l’orgasme à venir, lequel n’était qu’une étape du plaisir, qui continuait d'évoluer.

 L’automne venu, il s’inscrivit à un congrès dans le Vermont. Il passa les douanes au volant de sa Honda avec, dans le coffre arrière, une profusion de lycra, de spandex, de cuir et de métal. Il y avait des bottes de tout genre, de cow-boy et d'armée.

 Il y passa un long week-end. Il observa des techniques, des instruments, assista à des stages, se porta volontaire pour des expériences devant des admirateurs. Tous voulaient le connaître. Il apprit que le sadomasochisme était un art de haut niveau, soumis à des lois et des techniques aussi sophistiquées que n’importe quelle autre discipline. Jamais l’idée ne l’avait effleuré qu’un  fouet pouvait être un gage d’amour.

 Il vit un jeune homme cagoulé tellement comblé à la fin d’une séance qu’il ne pouvait plus dominer ses sanglots. Son bourreau dut le prendre dans ses bras et l’emmener à l’écart en déposant mille baisers sur son corps.

 Au retour de ce congrès, Étienne accapara les derniers espaces que je m'étais réservé dans ma demeure. Mon ordi devint le sien. Ma chambre à coucher devint la sienne. Nous n’avions qu’une ligne téléphonique. Il s’appropria mon répondeur. Il clamait son message de sa voix égrillarde, insolente. Les gens me faisaient part de la charge agressive qu’ils éprouvaient. Aux plus intimes, j’en donnais les raisons, avec le résultat que bientôt mes amis proches commencèrent à m’appeler Étienne.

 À la remise du scénario final de l’adaptation de Roméo et Juliette, l’avocat des producteurs me demanda de changer le nom d’Étienne Véronneau mis pour un cousin des Capulet. Raison: il existait dans la vie, on avait retracé des échanges courriel entre lui et les producteurs.

 

 

*

 

 En juin 2005, ma mère entra à l’hôpital. Je savais qu’elle n’en ressortirait pas. Étienne prit ma douleur en charge. Un mois avant qu’elle meure, il alla s’acheter un complet Hugo Boss en prévision des funérailles.

 Le soir de la Saint-Jean 2005, Étienne se défonça littéralement avec un de ses fuckfriends, puis décida d’aller le reconduire à Pointe-Saint-Charles. Les deux larrons continuèrent de batifoler dans l’auto. Après l’avoir déposé, Étienne s’engagea vers le boulevard Lasalle pour reprendre la voie rapide. Il inséra dans le lecteur CD des études de Scriabine et en les écoutant, il se retrouva devant l’hôpital où agonisait ma mère. Une bouffée de tendresse incommensurable l’envahit. Il gara la voiture avec l’idée d’aller la regarder dormir dans sa chambre. Mais il se ravisa. Il était nu pieds. Pour tout vêtement, il ne portait qu’un caleçon et un t-shirt.

Il écouta le cycle complet des douze études, puis redémarra doucement vers l’autoroute, étonné de sa propre maîtrise: il n’avait même pas versé une larme.

 

 L’immense soleil au matin des funérailles ne brillait que pour lui. À la sortie, à la tête du cortège qui suivait l’urne, il adressait son regard le plus engageant aux membres éloignés de la famille et à ses connaissances du milieu artistique. Il avait exigé un quatuor à cordes au lieu d’un effectif traditionnel, et donna aux musiciens plus d’attention qu’à la cérémonie et aux proches de la disparue.

 

 Quelques semaines après, il rencontra un jeune homme avec qui il faisait des scénarios virtuels très élaborés au plan fantasmatique. Il mit plusieurs jours à préparer le simulacre, et le soir venu, il mit en pratique tout ce qu’il avait appris lors du fameux congrès sadomasochiste dans le Vermont. Il n’avait pas présumé de la fragilité du jeune homme.

 Ce dernier le relança le lendemain. Je m’interposai. Je rédigeai une réponse on ne peut plus ferme. Malgré tout, j’appréhendais le pire.

 Le jeune homme répondit à Étienne qu’il m’avait reconnu; il était professeur de lettres.

 

 Ce n’était pas la première fois qu’Étienne et moi ressentions les mêmes tiraillements pour la même personne. Il y eut trois mois de silence et de réflexion. Je fus assailli d’une fièvre qui dura tout le mois de novembre. Mon état général se détériorait à vue d’œil. Je trouvais pourtant la force de m’arracher de mon lit et de faire des shootings érotiques pour Étienne qui déposa chez Humanblues ses dernières photos, parmi les plus artistiques de sa collection.

 

Je revis le jeune homme aux fêtes. En une soirée, je lui racontai dans les moindres détails la vie d’Étienne et je lui fis le récit de toutes ses rencontres en n’omettant aucun de nos secrets. Je voulais être sûr qu’il était mort, et qu’il n’allait pas se réincarner.

J’ai fait disparaître la plupart de ses traces. Je n’ai laissé vivant que le pseudo d’Humanblues, où je perpétue la mémoire de notre corps éternellement beau, sans indiquer de nom, ni montrer de visage.

 

Étienne, je t’ai aimé.

Repose en paix.

 

Ton âme.

Topic 7190754 - Mosaïque

DH//754Re://T7190[Nitram - Mosaïque] post. 21-06-08 10:15:34

© photo DH - Montage Digital

 

  - J'aimerais que tu me montres chaque pièce de ta mosaïque.

 

      - Mais j'aurais très honte de te montrer ça.

 

      - À condition que je te juge. Mais je ne te juge pas. Si je te disais que je me passionne pour ceux qui font comme toi, qui présentent les multiples facettes d'eux-mêmes sur internet, tu serais scandalisé?

 

      - Tout dépend. S'ils en ont autant que moi, probablement que oui. Pourquoi tu veux savoir?

 

      - Pas savoir, je sais. Mais je veux que toi, tu m'en parles.  Ça fait des années que je t'observe. J’ai lu tes annonces dans les journaux, je t’ai débusqué sur internet, suivi à la trace sous tes masques, tes pseudos, tes avatars, tes simulacres, tes jeux. Je me suis parfois trompé ─ mais pas souvent. Il est probable que tu m’aies parfois échappé ─ mais pas souvent. Ce n'est pas l'écrivain qui m'intéresse chez toi.

 

      - Merci.

 

      - Sérieux. Ce que tu es dans la vie, ça m'ennuie. Ce qui m'intéresse, c'est cette grande toile qui tu tisses comme une araignée. Tu penses que dans ce grand jeu tu joues tout seul mais tu te trompes.

 

      - ...

 

      - Parle-moi d'eux. Dis-moi qui est Stéphane. Dis-moi qui sont David, Matthieu, Étienne. Parle-moi d'Étienne. Dis-moi comment tu en es venu à l'aimer autant. Montre-les moi tous. Raconte-moi la vie de Jean-Rémy Thivierge, d’Adam Dostaler, de Fabrizio Luci né à Sesto Florentino en octobre 2006, de Pierre-Yves Dansereau, de Marc Laurencelle, d’Éric et Philippe qui sont morts à Pékin en août 2008, de Kevin Levak qui a promis mer et monde à Brian Kapolucci, parle-moi d’Yvan Gagnon que tu as tué en novembre 2007, de Simon Drainville mort-né, mais qui renaîtra en 2015 après que tu l’auras recréé lors d’un concert bénéfice d’Oscar Peterson, parle-moi de Philippe d’Amour né le17 avril 2009, mort le10 juin 2009, de Pierre Milot et de Fred Lucas, que tu as extirpé d’un temple mormon, de Mistlav Enescù né en Roumanie le 20 déc 2007, mort héroïquement pour avoir défendu Pascal Dicaire le 17 février 2009, dis-moi comment Gilbert Myre t’a redonné le goût de vivre après l’assassinat de Kent Levasseur par Jean-Karl Poirier en janvier 2009, décris-moi les nuits que tu as données à Jean-Gilles Gaudet et à Sook Binet de Chibougamau, dis-moi combien de fois tu as modifié l’ADN de Marc Théoret dans la Baie de Halong, dis-moi le nombre de grands frères que tu as mis en présence de Danny Flo qui cherchait son père à travers Eddy Lapointe,

Xaviero Mutti, Enzo Baier, Germain Lorient, Benoît Ludger, et combien d’autres, à seule fin de lui montrer qu’il était devenu un homme et qu’il était capable de le prouver en lui montrant ses pectoraux sous la douche, et que tu as laissé mourir dans l’hécatombe du 17 janvier 2010. Pourquoi as-tu sacrifié David Beauchesne d’une overdose le 31 décembre 2009, et laissé mourir son amant Ken Bédard de chagrin? Qui était ce fameux John Atha dont on n'a jamais vu le visage et dont toutes les photos étaient des parties de ton propre corps, pourquoi l’as-tu laissé se faire mettre en prison à Budapest? Je voudrais que tu me parles de ce mystérieux accident qui a fauché la vie de Jean-Pier Rufiot, et de ces hommes dénaturés qui ne lui ont pas porté secours le 15 mars 2010. Je veux que tu me dises qui était Hervé Beaudoin qui nourrissait tant de haine à l’égard des Cloutier, et qui était son frère Michel, que tu as laissé mourir lui aussi dans un froid polaire alors qu’il était trop soûl pour trouver sa clé restée au fond de sa poche. Qui était Vincent Robert, né le 3 novembre 2010 - mort le 27 mai 2011? Je veux savoir pourquoi tu aimais tant Chales-Étyenne Gauthier-Meyer, un incompétent, mais à qui tu viens de confier un énorme projet de reconstitution des Indes sur un site web reconduit par ton propre forum? Parle-moi de Bertrand Lucette, de François Courtyard, d’Antoine Renaud-Scmidt, un modèle de virilité que tu avais affublé de pseudo de Frizette sur Réseau-Contact, je voudrais connaître comme tu les as connues les nuits sulfureuses dans la piscine de Guillaume Ferland lors de la canicule de l’été 2012, avec Étienne Nadeau, Marc-Alain Couture et Jieff Rioux. Je voudrais t’entendre me dire comme il était beau Pier-Olivier Lessard, né d’un simple coup de souris après que tu aies entendu sa mère lui parler au téléphone alors qu’elle traversait la rue en face de chez toi, pourquoi Jean-Mathieu Lidoine est devenu si important dans ta vie en juin 2011, pourquoi Guillaume Thisdale s’est montré si généreux avec un fétichiste de soixante ans pour qui tu n’avais pas le moindre désir, ni la moindre empathie, pourquoi tu as créé Jean-Thom Jeth le 15 novembre 2007 et qu’après ne l’avoir jamais nourri intellectuellement tu en fais à présent ton bras droit sur Dh-Forum.com ? Pourquoi as-tu laissé dormir Noam Zimmerman si longtemps en Israël, pourquoi le même David Plourde a refait trois fois son profil alors qu’il ne t’a jamais apporté que de la souffrance? Je veux savoir pourquoi tu as abandonné Étienne Véronneau après lui avoir tout donné ? Je n’ai jamais vu un frère aimer un frère autant que vous vous êtes aimés lui et toi. Je voudrais t'entendre me raconter la mort de David Toupin à Lac-Mégantic en juillet 2013. Dis-moi comment tu as pleuré en ouvrant la télé et que tu l'as reconnu parmi les premières victimes identifiées par les médias. Montre-moi tes larmes, ton humanité, dis-moi comment tout cela a commencé.

 

 

 

Topic 7190755 ENVERS DE SOI

DH//755Re://T7190[LPK27 - Envers] post. 21-06-08 10:29:51

© photo DH - Montage Digital

 

     Un samedi soir de janvier 1987. Il fait un froid polaire. Les rues sont désertes.

 

      Par la fenêtre de ma chambre, le parc Laurier recouvert diffuse une lumière blanche à travers les branches jusque très haut dans le ciel.

 

     Il passe minuit.

 

     L’œil blasé attendant le sommeil se déporte d’un film à la télé aux annonces classées de La Presse dont toutes les sections dépliées occupent  la moitié du lit.

 

     Même s’il n’y a pas un chat dehors, l’idée de marcher à la rencontre d’un individu me tenaille. Toujours ces mêmes images que je repasse mentalement le soir depuis que j’habite ici, face au parc, et à quelques minutes à pieds de l’Équus où je vais draguer sans grand résultat la nuit. Toujours dans l’attente, surtout quand le bar est vide, de voir un hétérosexuel y entrer par inadvertance. Sinon, c’est l’image d’un parfait inconnu qui apparaît dans le parc, et, voyant de la lumière chez moi, traverse la rue et vient sonner à ma porte.

 

     Cet inconnu me fait tellement souffrir que je vais régulièrement marcher dans le parc à sa place, pour le voir de près quand il décidera enfin de se montrer. Ainsi, je remarquerai quelque défaut dans sa face qui me feront le désirer un peu moins, et je pourrai ensuite me concentrer sur mon travail.

 

    Je sais qu’il s’appelle Stéphane car Stéphane est un prénom qui n’a pas d’âge. En me disant son nom à supposer qu’il me téléphone, je ne saurai donc pas s’il est jeune ou vieux, célibataire ou marié, intellectuel ou pragmatique. Il se maintiendra absolu dans sa sphère.

 

     Stéphane ne sait pas où j’habite car il y a longtemps que nous nous connaîtrions s'il avait mes coordonnées. S’il me cherchait à travers les annonces classées de La Presse, il ne risquerait pas de me trouver non plus car ni lui ni moi n’y plaçons jamais d’annonces. Dommage car je le reconnaîtrais immédiatement.

 

    Son annonce à lui, s’il en plaçait une, se lirait comme suit: Homme désireux de connaître un autre homme pour passer des soirées intéressantes avec lui, sans aucune espèce d'attente, sans autre but que de discuter, peu importe les sujets, en buvant une bière et en approfondissant une amitié où une certaine complicité pourrait naître de l’intimité que nous développerions sans égard au fait que nous soyons d’une orientation sexuelle semblable ou différente puisque cet aspect de nos existences ne viendrait pas en priorité dans le fil de nos échanges… mais bien entendu une pareille annonce serait impossible à cause de sa longueur et de son coût exorbitant.

 

     Je passe la nuit à peaufiner la mienne:

     Homme marié ou non cherche idem habillé ordinaire pour passer soirées amicales sans attentes, Stéphane.

 

     Je cherche une équivalence moins étrange à «habillé ordinaire» car ça ne rend pas justice à la complexité de ce que je veux dire. C'est que je suis un peu allergique à ces hommes soi-disant ouverts, roses, émotifs et bavards, qui portent des shorts, des chemises colorées et qui marchent pieds avec orteils visibles dans des sandales.

      Mais voilà que j’anticipe trop: nous ne sommes qu’au mois de janvier. Nulle crainte à y avoir.

 

     Comme c’est étrange, cette difficulté d’écrire une douzaine de mots pour une annonce quand elle est signée de Stéphane, épanoui dans sa pleine jouissance de ne pas être écrivain. Il n’est pas joué dans les théâtres. Conséquemment il n’est pas connu. Il est désiré pour le mystère qu’il porte sans le savoir, et sans qu’il soit analysé dans la revue Jeu. Il peut vivre enfin pour une reconnaissance d’être qui il est dans l’âme, et non dans le poison des mondanités littéraires.

 

 

*

 

 

     Stéphane était en moi depuis longtemps: c’est pourquoi, quand je revenais du parc, je passais des nuits si reposantes. Il s’était toujours montré discret. Il avait usé de toutes ses patiences avant de se pointer dans une annonce de La Presse, visible à ma conscience.

 

     Il reçut pas moins d’une centaine de réponses. On voulait le connaître. Il s'avéra charmant avec la plupart, allant jusqu'à parler de son homosexualité avec certains de ses visiteurs désireux de passer une soirée amicale plus approfondie. Bien que dépourvues d'attente, ces soirées favorisaient assez souvent l'ouverture d'esprit et des rapprochements érotiques.

 

      Mais la plénitude, ce que j'appelle le "jouir intime", se passe l'après-midi, dans les heures qui précèdent le rendez-vous. Je n'ai plus à me soucier d'un éventuel rejet lorsque j'ouvrirai la porte à mon inconnu, car Stéphane n'a que faire de mes problèmes d'image.

 

      Il est, comme beaucoup de gens, d'une simplicité un peu rustique quant à son pourquoi dans l'existence. Il voit les choses telles qu'elles s'offrent à son champ de vision, de manière carrée, il n'est pas doté d'un esprit circulaire. Il n'associe pas les concepts à l'infini, il se contente d'unir l'essentiel pour aller de l'avant.

 

      Chose certaine, il n'est pas venu au monde avec la peur du rejet. C'est pourquoi, quand il ouvrira la porte à un parfait inconnu, il le fera entrer sans le juger sur une première impression, ce dont je serais moi-même incapable, et si l'inconnu lui signale que la chimie n'est pas au rendez-vous, il acquiescera et le remerciera quand même de s'être déplacé.

 

      Sa vie est d'une pauvreté remarquable en chimères, en drames, en calculs de toute sorte. Il attire des hommes qui lui ressemblent, qui ne misent pas leur vie sur un théâtre de la beauté. Chaque être humain porte un drame au fond de lui, ce qui ne constitue pas une raison pour passer des soirées à en parler.

 

     Une première rencontre avec un inconnu est toujours une affaire fastidieuse, à moins qu'elle s'inscrive dans un contexte uniquement sexuel. Stéphane est à l'âge, 32 ans, où il a réglé son passé animal, et où, tout pragmatique qu'il soit, a envie d'approfondir des liens. Neuf visiteurs sur dix sont comme lui.

 

      Ils sont dans l'ensemble des travailleurs autonomes, des designers, des pigistes. Ils parlent de ce qu'ils font sans dédain ni passion, à peine pressés de passer à autre chose.

 

      Stéphane est informaticien. En 1987, il y a peu de chance qu'un informaticien tombe sur un autre informaticien, auquel cas ils échangeront sur leurs employeurs, des banques, des boîtes de publicité, ou l'édition, le traitement de textes, domaine que Stéphane maîtrise bien.

 

      Stéphane aime recevoir ses inconnus le samedi soir, alors que la télévision joue en sourdine. Elle est allumée sur le hockey. Cela permet des pauses intéressantes dans la conversation. Stéphane est sportif, et adore parler de sports. Il est comme ces hommes les plus ennuyeux de la terre, qui se défoulent à travers une rondelle qui entre dans un filet ou un ballon qui passe à travers un panier.

 

      Son joueur préféré est Bill Goldsworthy des North Stars du Minnesota. Façon de vérifier si son interlocuteur est un "vrai" amateur de hockey ou ne fait que s'y intéresser par politesse dans l'attente, encore une fois, de passer à autre chose.

 

      Ce fameux "autre chose" n'advient que très rarement avec Stéphane. Premièrement, s'il faut le nommer, ce n'est plus autre chose, et de s'y rendre, même de manière enthousiaste, est la meilleure façon de couper court à une soirée autrement passionnante dans sa forêt de non-dits.

 

      Plus grave encore: quand il cède aux demandes physiques de ses invités, il admet implicitement avoir menti en spécifiant dans son annonce: "pour une soirée sans attente". Or il n'est pas menteur et encore moins calculateur. Il est à la recherche de quelque chose de "vrai" et dans sa façon bien à lui de vouloir atteindre ce mystérieux état de vérité, pour lequel intellectuellement — fort ironiquement — il n'est pas si bien outillé, il se retrouve sans désir dans une situation trop banale et trop concrète. Sa quête devient impossible. Privé de vêtements, aussi bien dire de repères, avec un être humain lui aussi complètement dégarni, qui n'a plus rien à voir avec un quelconque inconnu vêtu de noir dans l'obscurité d'un parc, il va s'en trouver quitte pour un exercice rapide et connu, s'achevant par une apothéose qui, au bout de 9 secondes, aura déclenché une panne générale dans tout son être.

 

         À moins que la chose se passe selon un protocole si onirique qu'on pourrait douter à la toute fin qu'elle ait eu lieu, lorsque Stéphane consent à faire l'amour avec le visiteur, c'est forcément qu'il a décidé, avant de se dévêtir, qu'ils ne se reverront pas.

 

 

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      Stéphane est heureux d'être Stéphane, sauf lorsqu'en de rares occasions il tombe sur un acteur, ou un spécialiste en théâtre. Cela lui arrive quelquefois dans les saunas. Le discours, les opinions, la passion de ces gens lui tapent sur les nerfs. Si par politesse il participe à ces échanges en puisant Dieu sait où un savoir qui devrait lui être étranger, il va décupler au fond de lui le malaise qu'il ressent déjà quand il est nu devant les autres.

 

      Il n'est vraiment pas fait pour la vie gay et les saunas. Il n'est pas fait non plus pour la drague. Si curieux que cela soit, après avoir espéré tout le jour une illumination amoureuse dans des lieux nocturnes conçus pour qu'elle se produise, il y va tel que promis, mais plus il avance plus il a l'impression de se rendre à l'abattoir.

 

      Un soir qu'il arrive à l'Équus, un de ses amis lui montre une pile de Voir, dont un auteur qu'il ne connaît que trop bien fait la une avec sa photo.

      Deux de mes pièces étaient jouées simultanément à Montréal.

 

      Stéphane sentit que c'était pour lui le début de la fin. Il sortit du bar "ni vu ni connu", et s'en alla réfléchir à la nécessité de changer de nom, de lieu, et d'entrer dans la peau de quelqu'un d'autre.