Inédits
- Bonjour et bienvenue. Oh pardon. C’est que. Je. Je croyais vous avoir reconnu. C’est-à-dire que. Bon, désolé. Quelque chose qui arrive rarement. Rarissimement. Vous lui ressemblez tellement. Vous ressemblez à mon frère, excepté que… que bien évidemment, je n’ai pas de frère.
- Le fait est que moi non plus. (Et que pour peu, j’aurais eu la même réaction que lui. Avec cette minuscule différence qu’il porte des lunettes et moi pas.) Mais ma parole… (Laisse, si tu lui fais remarquer que nous portons le même polo, tu risques de le déstabiliser encore un peu plus, et il me semble déjà pas mal incertain de lui-même.)
- Vous avez une réservation? (Qui aurait dit qu’en rencontrant son sosie, on aurait le réflexe de le vouvoyer? Espèce de faiseur. Tu vas pas lui faire le coup de l’hôtel 5 étoiles?) Je peux vous demander votre nom? (Je rêve ou quoi? On porte le même henley.)
- Je peux avoir votre nom?
(Et qu’est-ce que tu veux avoir ensuite? Mon henley? Mon grain de beauté sur mon thorax?) - Dubreuil. Yannick Dubreuil. (Un nom qui devrait te dire quelque chose à moins que tu ne t’appelles pas?)
(Décidément. Mais calme-toi. Des Yannick, il y en avait 3 dans ta classes. Et des Dubreuil, au Québec, ça vient dans les 100 premiers noms de familles les plus courants. On nomme «hasard» ce phénomène. Hasard. Ça porte un nom, donc c’est quelque chose qui existe.) Je peux vous demander une empreinte de votre carte de crédit?
(C’est pas la première fois que je remarque qu’il y a le mot «hard» dans «hasard», et qu’il y a le mot phéromone entre les lettres manquantes du mot empreinte). Je peux vous demander une chambre avec un grand lit et salle de bains complète? Je crois me souvenir de la chambre 309…
- Oui la chambre 309, laissez-moi voir, je crois qu’elle est libre. (Évidemment qu’elle est libre, il le sait autant que moi; c’est la seule qu’on peut mettre sur écoute, et dont le mur entre la salle de bains et le lit est vitré.) Voyons voir… va pour l’aquarium. Vous aurez besoin d’une ou deux clés?
- Écoutez, je vais en prendre deux au cas où le visiteur avec qui j’ai rendez-vous aurait besoin de quitter momentanément - nous avons une réunion de prévue ce soir.
- Parce que vous attendez quelqu’un…? Ah oui c’est vrai. Je crois qu’il s’appelle lui aussi Yannick Dubreuil est-ce que je me trompe? Il a téléphoné tout à l’heure. Il a dit qu’il avait rendez-vous ce soir à la chambre 309 avec un certain Yannick Dubreuil qui allait passer vers quatre heures aujourd’hui pour réserver ladite chambre 309.
- Eh bien voilà, tout s’éclaire. Je vais donc prendre la chambre aquarium avec une seule clé puisque vers sept heures ce soir mon invité passera par la réception avant de monter.
-Bien je l’attendrai. Voulez-vous que je prévienne avant qu’il frappe à votre porte?
- Ce ne sera pas nécessaire. Yannick est redoutablement ponctuel. À sept heures pile il sera là. Il n’aura qu’à monter.
-Bien. En attendant, désirez-vous commander quelque chose? Une bouteille de vin mousseux est offerte avec la chambre. Je vous la monte?
- Si vous voulez. Mais au fait. J’ai une meilleure idée. Yannick adore se faire passer pour un serviteur. Lorsqu’il sera là tout à l’heure, confiez-lui le plateau, et prévenez-le d’entrer sans bruit. Il y a quelque chose d’intime et de silencieux dans cette chambre qui demande à ce qu’on y pénètre sans bruit. Il se peut que je sois assoupi au moment où il arrivera. Je déteste me faire réveiller en sursaut.
- Je vous promets qu’il entrera sans faire de bruit. Vous n’aurez pas connaissance de son arrivée. Je connais bien Yannick. Il peut rester des heures silencieux à attendre. Ainsi, quelles que soient les dispositions d’intimité dans lesquelles vous vous maintiendrez, vous n’aurez pas à vous sentir tenu de l’accueillir dès qu’il entrera. Je lui dirai d’ôter ses chaussures avant d’entrer.
- Oui je sais. Il n’aura qu’à se faire couler un bain.
- Mais le bruit du robinet ne risquerait-il pas de vous réveiller?
- Vous avez raison. Alors voici ce que je propose. Dites-lui que le bain sera déjà rempli quand il arrivera, en sorte qu’il n’aura qu’à s’y glisser sans bruit. Yannick est un méditatif. Et comme nous n’avons pas beaucoup de secrets l’un pour l’autre, le fait que l’un soit dans l’aquarium et l’autre pas ne posera aucun problème.
- De la même façon, je présume, que si vous décidez de prendre un bain et que lui décide de s’assoupir à votre place ne changera en rien l’ordre du jour de votre réunion.
- Non parce que nous ne prévoyons nous mettre au travail que passé neuf heures.
- C’est ce qu’il m’a laissé entendre en effet. Cela dit, je ne suis évidemment pas au courant de l’ordre du jour de cette réunion.
- Lui non plus. Nous devons examiner le procès-verbal de notre dernière assemblée avant de statuer sur ce qu’il conviendra d’être débattu ce soir. Autrement dit, je ne sais pas, moi non plus, de quoi sera fait l’ordre du jour.
- D’autant plus qu’avec lui, on nage toujours en plein mystère. Je lui dirai donc d’ôter ses chaussures. Voulez-vous que je lui demande aussi d’enlever sa cravate?
- Je vois que vous le connaissez bien! On croit toujours à tort que les gens qui répondent aux mêmes signalements sont différents les uns des autres. N’y a pas qu’un chien qui s’appelle Pataud. Tous les Jean Cormier de la terre pourraient être réunis en symposium. Ils seraient surpris de constater qu’ils ont tous sans exception beaucoup de points en commun. Plus, en fait, que des gens portant des noms différents mais qui seraient nés le même jour. Oui bonne idée. Dites-lui de retirer ses souliers. J’aimerais qu’il évolue sans bruit dans l’atmosphère avant que nous commencions à échanger nos vêtements, euh, je veux dire nos propos.
- J’avais compris. Donc il n’y aura échange que de propos, c’est noté. Pour ce qui est du reste, je lui dis quoi?
- Qu’il vienne, tout simplement. On verra lui et moi comment évolueront les choses. Si nous jugeons l’endroit trop exposé à la caméra nous adopterons une attitude en conséquence.
- Je peux la désactiver.
- À moins que vous me juriez être la seule personne qui ait accès à la vidéo. Après tout, une caméra de surveillance est un gage de sécurité dans les hôtels, n’est-ce pas? Je n’ai aucune raison de me méfier de Yannick. Mais s’il s’agissait d’un tueur à sa place, je serais content qu’un œil discret puisse observer le cours des événements.
- Je resterai donc vigilant. Par contre, si votre ami Yannick ne se sent pas à l’aise d’entrer dans la chambre au moment où vous serez dans votre intimité, soit au bain, soit au lit, voulez-vous que je lui dise de prendre ma place ici à la réception et que je monte moi-même à sa place avec le cabaret?
- Vous n’aurez qu’à retirer vos chaussures.
- Bien. Et selon l’endroit où vous serez, je n’aurai qu’à attendre silencieusement avant que vous établissiez l’ordre du jour de la réunion?
- Tout à fait. Vous connaissez bien l’aquarium. Vous n’aurez qu’à vous y mettre à l’aise en attendant. Et quand l’un de nous deux se réveillera dépendant de qui sera au lit et qui sera au bain, nous prendrons un temps d’arrêt et en profiterons pour mieux faire connaissance. Qui sait si l’un ne se découvrira pas à travers l’autre. C’est à cela que servent les aquariums. Dans l’océan, les spécimens identiques ont peu de chance de se reconnaître vraiment; la faune maritime est dense. Un peut ressembler à l’autre. Mais rarement voit-on la promiscuité s’épanouir en aquarium. Seules les espèces qui offrent de véritables points communs peuvent y être observées. Allez, je monte.
- Vous pouvez prendre l’ascenseur par ce couloir à droite, ou les escaliers qui sont derrière, tout de suite à gauche. Si vous ne voulez pas être dérangé dans votre intimité, vous n’aurez qu’à suspendre le carton à la poignée de votre porte. Je vous recommande d’ailleurs de le faire. Personne n’entrera donc.
- À moins que ce ne soit Yannick.
- À moins que ce ne soit Yannick, bien évidemment.
- Bonjour et bienvenue. Oh pardon. C’est que. Je. Je croyais vous avoir reconnu. C’est-à-dire que. Bon, désolé. Quelque chose qui arrive rarement. Rarissimement. Vous lui ressemblez tellement. Vous ressemblez à mon frère, excepté que… que bien évidemment, je n’ai pas de frère.
- Le fait est que moi non plus. (Et que pour peu, j’aurais eu la même réaction que lui. Avec cette minuscule différence qu’il porte des lunettes et moi pas.) Mais ma parole… (Laisse, si tu lui fais remarquer que nous portons le même polo, tu risques de le déstabiliser encore un peu plus, et il me semble déjà pas mal incertain de lui-même.)
- Vous avez une réservation? (Qui aurait dit qu’en rencontrant son sosie, on aurait le réflexe de le vouvoyer? Espèce de faiseur. Tu vas pas lui faire le coup de l’hôtel 5 étoiles?) Je peux vous demander votre nom? (Je rêve ou quoi? On porte le même henley.)
- Je peux avoir votre nom?
(Et qu’est-ce que tu veux avoir ensuite? Mon henley? Mon grain de beauté sur mon thorax?) - Dubreuil. Yannick Dubreuil. (Un nom qui devrait te dire quelque chose à moins que tu ne t’appelles pas?)
(Décidément. Mais calme-toi. Des Yannick, il y en avait 3 dans ta classes. Et des Dubreuil, au Québec, ça vient dans les 100 premiers noms de familles les plus courants. On nomme «hasard» ce phénomène. Hasard. Ça porte un nom, donc c’est quelque chose qui existe.) Je peux vous demander une empreinte de votre carte de crédit?
(C’est pas la première fois que je remarque qu’il y a le mot «hard» dans «hasard», et qu’il y a le mot phéromone entre les lettres manquantes du mot empreinte). Je peux vous demander une chambre avec un grand lit et salle de bains complète? Je crois me souvenir de la chambre 309…
- Oui la chambre 309, laissez-moi voir, je crois qu’elle est libre. (Évidemment qu’elle est libre, il le sait autant que moi; c’est la seule qu’on peut mettre sur écoute, et dont le mur entre la salle de bains et le lit est vitré.) Voyons voir… va pour l’aquarium. Vous aurez besoin d’une ou deux clés?
- Écoutez, je vais en prendre deux au cas où le visiteur avec qui j’ai rendez-vous aurait besoin de quitter momentanément - nous avons une réunion de prévue ce soir.
- Parce que vous attendez quelqu’un…? Ah oui c’est vrai. Je crois qu’il s’appelle lui aussi Yannick Dubreuil est-ce que je me trompe? Il a téléphoné tout à l’heure. Il a dit qu’il avait rendez-vous ce soir à la chambre 309 avec un certain Yannick Dubreuil qui allait passer vers quatre heures aujourd’hui pour réserver ladite chambre 309.
- Eh bien voilà, tout s’éclaire. Je vais donc prendre la chambre aquarium avec une seule clé puisque vers sept heures ce soir mon invité passera par la réception avant de monter.
-Bien je l’attendrai. Voulez-vous que je prévienne avant qu’il frappe à votre porte?
- Ce ne sera pas nécessaire. Yannick est redoutablement ponctuel. À sept heures pile il sera là. Il n’aura qu’à monter.
-Bien. En attendant, désirez-vous commander quelque chose? Une bouteille de vin mousseux est offerte avec la chambre. Je vous la monte?
- Si vous voulez. Mais au fait. J’ai une meilleure idée. Yannick adore se faire passer pour un serviteur. Lorsqu’il sera là tout à l’heure, confiez-lui le plateau, et prévenez-le d’entrer sans bruit. Il y a quelque chose d’intime et de silencieux dans cette chambre qui demande à ce qu’on y pénètre sans bruit. Il se peut que je sois assoupi au moment où il arrivera. Je déteste me faire réveiller en sursaut.
- Je vous promets qu’il entrera sans faire de bruit. Vous n’aurez pas connaissance de son arrivée. Je connais bien Yannick. Il peut rester des heures silencieux à attendre. Ainsi, quelles que soient les dispositions d’intimité dans lesquelles vous vous maintiendrez, vous n’aurez pas à vous sentir tenu de l’accueillir dès qu’il entrera. Je lui dirai d’ôter ses chaussures avant d’entrer.
- Oui je sais. Il n’aura qu’à se faire couler un bain.
- Mais le bruit du robinet ne risquerait-il pas de vous réveiller?
- Vous avez raison. Alors voici ce que je propose. Dites-lui que le bain sera déjà rempli quand il arrivera, en sorte qu’il n’aura qu’à s’y glisser sans bruit. Yannick est un méditatif. Et comme nous n’avons pas beaucoup de secrets l’un pour l’autre, le fait que l’un soit dans l’aquarium et l’autre pas ne posera aucun problème.
- De la même façon, je présume, que si vous décidez de prendre un bain et que lui décide de s’assoupir à votre place ne changera en rien l’ordre du jour de votre réunion.
- Non parce que nous ne prévoyons nous mettre au travail que passé neuf heures.
- C’est ce qu’il m’a laissé entendre en effet. Cela dit, je ne suis évidemment pas au courant de l’ordre du jour de cette réunion.
- Lui non plus. Nous devons examiner le procès-verbal de notre dernière assemblée avant de statuer sur ce qu’il conviendra d’être débattu ce soir. Autrement dit, je ne sais pas, moi non plus, de quoi sera fait l’ordre du jour.
- D’autant plus qu’avec lui, on nage toujours en plein mystère. Je lui dirai donc d’ôter ses chaussures. Voulez-vous que je lui demande aussi d’enlever sa cravate?
- Je vois que vous le connaissez bien! On croit toujours à tort que les gens qui répondent aux mêmes signalements sont différents les uns des autres. N’y a pas qu’un chien qui s’appelle Pataud. Tous les Jean Cormier de la terre pourraient être réunis en symposium. Ils seraient surpris de constater qu’ils ont tous sans exception beaucoup de points en commun. Plus, en fait, que des gens portant des noms différents mais qui seraient nés le même jour. Oui bonne idée. Dites-lui de retirer ses souliers. J’aimerais qu’il évolue sans bruit dans l’atmosphère avant que nous commencions à échanger nos vêtements, euh, je veux dire nos propos.
- J’avais compris. Donc il n’y aura échange que de propos, c’est noté. Pour ce qui est du reste, je lui dis quoi?
- Qu’il vienne, tout simplement. On verra lui et moi comment évolueront les choses. Si nous jugeons l’endroit trop exposé à la caméra nous adopterons une attitude en conséquence.
- Je peux la désactiver.
- À moins que vous me juriez être la seule personne qui ait accès à la vidéo. Après tout, une caméra de surveillance est un gage de sécurité dans les hôtels, n’est-ce pas? Je n’ai aucune raison de me méfier de Yannick. Mais s’il s’agissait d’un tueur à sa place, je serais content qu’un œil discret puisse observer le cours des événements.
- Je resterai donc vigilant. Par contre, si votre ami Yannick ne se sent pas à l’aise d’entrer dans la chambre au moment où vous serez dans votre intimité, soit au bain, soit au lit, voulez-vous que je lui dise de prendre ma place ici à la réception et que je monte moi-même à sa place avec le cabaret?
- Vous n’aurez qu’à retirer vos chaussures.
- Bien. Et selon l’endroit où vous serez, je n’aurai qu’à attendre silencieusement avant que vous établissiez l’ordre du jour de la réunion?
- Tout à fait. Vous connaissez bien l’aquarium. Vous n’aurez qu’à vous y mettre à l’aise en attendant. Et quand l’un de nous deux se réveillera dépendant de qui sera au lit et qui sera au bain, nous prendrons un temps d’arrêt et en profiterons pour mieux faire connaissance. Qui sait si l’un ne se découvrira pas à travers l’autre. C’est à cela que servent les aquariums. Dans l’océan, les spécimens identiques ont peu de chance de se reconnaître vraiment; la faune maritime est dense. Un peut ressembler à l’autre. Mais rarement voit-on la promiscuité s’épanouir en aquarium. Seules les espèces qui offrent de véritables points communs peuvent y être observées. Allez, je monte.
- Vous pouvez prendre l’ascenseur par ce couloir à droite, ou les escaliers qui sont derrière, tout de suite à gauche. Si vous ne voulez pas être dérangé dans votre intimité, vous n’aurez qu’à suspendre le carton à la poignée de votre porte. Je vous recommande d’ailleurs de le faire. Personne n’entrera donc.
- À moins que ce ne soit Yannick.
- À moins que ce ne soit Yannick, bien évidemment.
Inédits
- Bonjour et bienvenue. Oh pardon. C’est que. Je. Je croyais vous avoir reconnu. C’est-à-dire que. Bon, désolé. Quelque chose qui arrive rarement. Rarissimement. Vous lui ressemblez tellement. Vous ressemblez à mon frère, excepté que… que bien évidemment, je n’ai pas de frère.
- Le fait est que moi non plus. (Et que pour peu, j’aurais eu la même réaction que lui. Avec cette minuscule différence qu’il porte des lunettes et moi pas.) Mais ma parole… (Laisse, si tu lui fais remarquer que nous portons le même polo, tu risques de le déstabiliser encore un peu plus, et il me semble déjà pas mal incertain de lui-même.)
- Vous avez une réservation? (Qui aurait dit qu’en rencontrant son sosie, on aurait le réflexe de le vouvoyer? Espèce de faiseur. Tu vas pas lui faire le coup de l’hôtel 5 étoiles?) Je peux vous demander votre nom? (Je rêve ou quoi? On porte le même henley.)
- Je peux avoir votre nom?
(Et qu’est-ce que tu veux avoir ensuite? Mon henley? Mon grain de beauté sur mon thorax?) - Dubreuil. Yannick Dubreuil. (Un nom qui devrait te dire quelque chose à moins que tu ne t’appelles pas?)
(Décidément. Mais calme-toi. Des Yannick, il y en avait 3 dans ta classes. Et des Dubreuil, au Québec, ça vient dans les 100 premiers noms de familles les plus courants. On nomme «hasard» ce phénomène. Hasard. Ça porte un nom, donc c’est quelque chose qui existe.) Je peux vous demander une empreinte de votre carte de crédit?
(C’est pas la première fois que je remarque qu’il y a le mot «hard» dans «hasard», et qu’il y a le mot phéromone entre les lettres manquantes du mot empreinte). Je peux vous demander une chambre avec un grand lit et salle de bains complète? Je crois me souvenir de la chambre 309…
- Oui la chambre 309, laissez-moi voir, je crois qu’elle est libre. (Évidemment qu’elle est libre, il le sait autant que moi; c’est la seule qu’on peut mettre sur écoute, et dont le mur entre la salle de bains et le lit est vitré.) Voyons voir… va pour l’aquarium. Vous aurez besoin d’une ou deux clés?
- Écoutez, je vais en prendre deux au cas où le visiteur avec qui j’ai rendez-vous aurait besoin de quitter momentanément - nous avons une réunion de prévue ce soir.
- Parce que vous attendez quelqu’un…? Ah oui c’est vrai. Je crois qu’il s’appelle lui aussi Yannick Dubreuil est-ce que je me trompe? Il a téléphoné tout à l’heure. Il a dit qu’il avait rendez-vous ce soir à la chambre 309 avec un certain Yannick Dubreuil qui allait passer vers quatre heures aujourd’hui pour réserver ladite chambre 309.
- Eh bien voilà, tout s’éclaire. Je vais donc prendre la chambre aquarium avec une seule clé puisque vers sept heures ce soir mon invité passera par la réception avant de monter.
-Bien je l’attendrai. Voulez-vous que je prévienne avant qu’il frappe à votre porte?
- Ce ne sera pas nécessaire. Yannick est redoutablement ponctuel. À sept heures pile il sera là. Il n’aura qu’à monter.
-Bien. En attendant, désirez-vous commander quelque chose? Une bouteille de vin mousseux est offerte avec la chambre. Je vous la monte?
- Si vous voulez. Mais au fait. J’ai une meilleure idée. Yannick adore se faire passer pour un serviteur. Lorsqu’il sera là tout à l’heure, confiez-lui le plateau, et prévenez-le d’entrer sans bruit. Il y a quelque chose d’intime et de silencieux dans cette chambre qui demande à ce qu’on y pénètre sans bruit. Il se peut que je sois assoupi au moment où il arrivera. Je déteste me faire réveiller en sursaut.
- Je vous promets qu’il entrera sans faire de bruit. Vous n’aurez pas connaissance de son arrivée. Je connais bien Yannick. Il peut rester des heures silencieux à attendre. Ainsi, quelles que soient les dispositions d’intimité dans lesquelles vous vous maintiendrez, vous n’aurez pas à vous sentir tenu de l’accueillir dès qu’il entrera. Je lui dirai d’ôter ses chaussures avant d’entrer.
- Oui je sais. Il n’aura qu’à se faire couler un bain.
- Mais le bruit du robinet ne risquerait-il pas de vous réveiller?
- Vous avez raison. Alors voici ce que je propose. Dites-lui que le bain sera déjà rempli quand il arrivera, en sorte qu’il n’aura qu’à s’y glisser sans bruit. Yannick est un méditatif. Et comme nous n’avons pas beaucoup de secrets l’un pour l’autre, le fait que l’un soit dans l’aquarium et l’autre pas ne posera aucun problème.
- De la même façon, je présume, que si vous décidez de prendre un bain et que lui décide de s’assoupir à votre place ne changera en rien l’ordre du jour de votre réunion.
- Non parce que nous ne prévoyons nous mettre au travail que passé neuf heures.
- C’est ce qu’il m’a laissé entendre en effet. Cela dit, je ne suis évidemment pas au courant de l’ordre du jour de cette réunion.
- Lui non plus. Nous devons examiner le procès-verbal de notre dernière assemblée avant de statuer sur ce qu’il conviendra d’être débattu ce soir. Autrement dit, je ne sais pas, moi non plus, de quoi sera fait l’ordre du jour.
- D’autant plus qu’avec lui, on nage toujours en plein mystère. Je lui dirai donc d’ôter ses chaussures. Voulez-vous que je lui demande aussi d’enlever sa cravate?
- Je vois que vous le connaissez bien! On croit toujours à tort que les gens qui répondent aux mêmes signalements sont différents les uns des autres. N’y a pas qu’un chien qui s’appelle Pataud. Tous les Jean Cormier de la terre pourraient être réunis en symposium. Ils seraient surpris de constater qu’ils ont tous sans exception beaucoup de points en commun. Plus, en fait, que des gens portant des noms différents mais qui seraient nés le même jour. Oui bonne idée. Dites-lui de retirer ses souliers. J’aimerais qu’il évolue sans bruit dans l’atmosphère avant que nous commencions à échanger nos vêtements, euh, je veux dire nos propos.
- J’avais compris. Donc il n’y aura échange que de propos, c’est noté. Pour ce qui est du reste, je lui dis quoi?
- Qu’il vienne, tout simplement. On verra lui et moi comment évolueront les choses. Si nous jugeons l’endroit trop exposé à la caméra nous adopterons une attitude en conséquence.
- Je peux la désactiver.
- À moins que vous me juriez être la seule personne qui ait accès à la vidéo. Après tout, une caméra de surveillance est un gage de sécurité dans les hôtels, n’est-ce pas? Je n’ai aucune raison de me méfier de Yannick. Mais s’il s’agissait d’un tueur à sa place, je serais content qu’un œil discret puisse observer le cours des événements.
- Je resterai donc vigilant. Par contre, si votre ami Yannick ne se sent pas à l’aise d’entrer dans la chambre au moment où vous serez dans votre intimité, soit au bain, soit au lit, voulez-vous que je lui dise de prendre ma place ici à la réception et que je monte moi-même à sa place avec le cabaret?
- Vous n’aurez qu’à retirer vos chaussures.
- Bien. Et selon l’endroit où vous serez, je n’aurai qu’à attendre silencieusement avant que vous établissiez l’ordre du jour de la réunion?
- Tout à fait. Vous connaissez bien l’aquarium. Vous n’aurez qu’à vous y mettre à l’aise en attendant. Et quand l’un de nous deux se réveillera dépendant de qui sera au lit et qui sera au bain, nous prendrons un temps d’arrêt et en profiterons pour mieux faire connaissance. Qui sait si l’un ne se découvrira pas à travers l’autre. C’est à cela que servent les aquariums. Dans l’océan, les spécimens identiques ont peu de chance de se reconnaître vraiment; la faune maritime est dense. Un peut ressembler à l’autre. Mais rarement voit-on la promiscuité s’épanouir en aquarium. Seules les espèces qui offrent de véritables points communs peuvent y être observées. Allez, je monte.
- Vous pouvez prendre l’ascenseur par ce couloir à droite, ou les escaliers qui sont derrière, tout de suite à gauche. Si vous ne voulez pas être dérangé dans votre intimité, vous n’aurez qu’à suspendre le carton à la poignée de votre porte. Je vous recommande d’ailleurs de le faire. Personne n’entrera donc.
- À moins que ce ne soit Yannick.
- À moins que ce ne soit Yannick, bien évidemment.